DIJON (21)
Maison de l'Architecte Lambert
(voir la page d'accueil de Dijon)


Placé dans le prolongement de l'actuelle clinique Sainte-Marthe cette maison d'architecte devait probablement faire partie à l'origine des terrains occupés par les religieuses de l'ordre de la Visitation au moment de leurs installations rue Porte-au-Fermerot. Dirigé par sainte Jeanne de Chantal, cet ordre religieux acheta le 23 juin 1622, une maison avec des jardins situés rue Saint-Nicolas (actuel rue J-J Rousseau) à Jacques Vincent pour la somme de 6.400 livres. Continuant sur cette voie, elles se portèrent acquéreur d'une maison donnant sur la rue du Champ-de-Mars (rue d'Assas) et finir leur course au 56 rue Porte-au-Fermerot. Voisine à partir de 1688 avec l'architecte Pierre Lambert qui s’établit sur le flanc gauche de la chapelle, les Visitandines connurent une période de prospérité au XVIIeme et XVIIIeme siècle (il fallut même agrandir la chapelle en 1678). Elle furent ensuite chassée et la chapelle détruite durant la période révolutionnaire. Remplacé par les sœurs Sainte-Marthe en 1806, les bâtiments accueil de nos jours une clinique et un tribunal administratif pour la partie donnant sur la rue d'Assas.

Appeler rue de la Préfecture assez tardivement (en 1816), cette artère se nommait autrefois rue de la Porte-au-Fermerot. Connu également sous le nom de rue Bouchefol au Moyen-age, ce tronçon débouchait sur la porte du même nom. Mentionné des 1211, cette porte reçue le nom de Formerot au début du XVeme siècle et fut fermé définitivement au moyen d'un mur lors du siège des Suisses en 1513. Dévolue au métier du cuir dans ça partie basse cette rue accueillie aussi des maréchales ferrant et des serruriers tout au long du XVeme et XVIeme siècle. Vers le milieu de ce siècle y vive aussi des familles d’orfèvres comme les Girault et des brodeurs comme les Robelot. Continuant d'habiter dans la même rue, la famille Girault occupa des postes au parlement au siècle suivant.

L'absence de documentation concernant cette habitation, pour la période antérieur à 1688, nous prive d'une multitude de renseignements qui nous auraient permit de connaître l'ancienneté du monument, son état au moment de la construction de la façade par Pierre Lambert, la liste des précédents occupant, leurs métiers etc. En l'absence d'un historique avérée, on est même en droit de ce demander si ce terrain avait été bâtie avant que l'architecte Lambert ne s'y établisse. La forte densité de population que connaissait Dijon depuis le XVIeme siècle, et la situation intra-muros de la maison laisse cependant imaginer qu'il y avait en ces lieux une maison qui servait de boutique et d'atelier à un artisan spécialiser dans le travail des métaux.



C'est donc grâce à un procès verbal daté du 21 février 1688 et conservé aux archives municipales que l'on dispose des premiers renseignements concernant cette maison. Architecte et probable auteur du plan d'alignement, Pierre Lambert éleva ici une façade sur deux niveaux avec fausse balustrade et mascaron sur console. Quasi-contemporaine de ça voisine élevée au devant de la chapelle du couvent de la Visitation, cette façade relève du style alors en vogue sous le règne du roi Louis XIV. Suiveur d'architectes locaux tel que Pierre le Muet (1591-1669), Nicolas Tassin (actif de 1633 à 1655) ou Guillaume Tabourot (1573-1644), Pierre Lambert s’écarte ici du classicisme utilisé par ces derniers pour les commandes officielles et les demeures de riche parlementaire Dijonnais (hôtel Fevret de Saint-Mesmin, Bouchu, Vogüé etc.). Laissant libre cours à ça créativité, Lambert se permit ici des libertés architecturales qu'il n'aurait pas pu se permettre pour un contrat passé avec la mairie et que l'on retrouve que très rarement (seul l’hôtel Fevret de Saint-Mesmin possède le même type de fausse balustrade).

Connu dés 1679 grâce à un marché passé par les religieuses du couvent des Bernardines pour la construction de deux corps de logis dans l'enceinte du monastère, Lambert fut des 1681, remis à contribution pour créer et dégager l'emplacement de la place Royale avec Martin de Noinville. Elevant en 1684, conjointement avec l'architecte Philippe Paris, des puits place Saint-Etienne et au coin de la Sainte-Chapelle, il obtint le 31 Août 1685, le contrat pour la construction du Palais des Etats. Travaillant la même année à la réparation des murailles de la place d'Armes, il réalisa l'année suivant quelques travaux sur la place Royale. Chargé en 1687 de l’ornementation d'une partie du logis du roi et de la place Royale, il visita en 1688 les prisons et les casernes de la ville et fut chargé la même année de dresser le plan d'une caserne à construire à l'emplacement de la maison de l'Ile pour loger les officiers et 2000 cavaliers. Chargé en 1690 avec l’ingénieur Noinville d’évaluer les travaux nécessaires au pavement de deux artères du centre-ville, il acheva en 1692 la place Royale en murant une arcade servant de façade à une maison et couvrit d'ardoise et de plomb tous les bâtiments situés sur la place. Effectuant la majeure partie de ça carrière à Dijon, Pierre Lambert ne travailla qu'une seule fois en dehors de la ville. Chargé des plans de l’hôpital de Seurre, il livra en 1695 les cartons d'un bâtiment en U avec deux salles de malades et une chapelle en forme de rotonde. De retour à Dijon, il rejoignit Noinville sur le chantier de l'hôpital du Saint-Esprit et construisit trois corps de bâtiment entre 1703 et 1708. Encore en état de nos jours, ceux-ci abritaient des greniers à usage du blé, l'infirmerie des sœurs et la salle Saint-Roch pour les hommes malades. La majeure partie du travail ayant été achevé en 1708, il ajouta la même année un petit bâtiment sans étage servant d'abris à la cuverie et aux pressoirs de l’hôpital. Appelé de nouveau par les Bernardines de la rue Saint-Anne, il termina ça carrière en élevant l'église de ce monastère d’après les plans réalisés par Louis Trestournel en 1709.

Déjà privilégié par son statut d'architecte et d'entrepreneur, Lambert se vit en outre offrir en 1690 un poste d'avocat à la chambre du conseil en remplacement de maître Simon Leclerc. Mort peut de temps après ça dernière commande, Pierre Lambert laissa ça maison à ça femme et à ces enfants. Bien qu'ignorant à peu prés tout de ceux-ci, on suppose que Claude était son fils et qu'il fut huissier au bureau des finances en la Chambres des Comptes en 1706. Vers la même époque un autre Lambert fut inspecteur aux manufactures de la ville. Par la suite on retrouve un Antoine Lambert, concierge générale au Palais des Etats en 1780. Occupé au minimum jusqu'en 1782 par la famille Lambert, cette maison était habitée à cette date par une veuve Lambert, ça fille et par M Robelot, général de la Monnoye. Devenue seul propriétaire au moment de la révolution, M. Robelot fut témoin de la destruction de la chapelle de la Visitation et du craindre un temps que ça maison s’écroule du fait de la promiscuité des deux bâtiments. Dessiné par l'ingenieur Pierre-Joseph Antoine (1730-1814) au moment de la destruction de la chapelle, la maison Lambert présente encore à l’époque en son sommet une lucarne à aileron surmonté d'un fronton et d'un vase d'amortissement. Démonté au début du XIXeme siècle cet ensemble fut installé dans le jardin des religieuses de Sainte-Marthe (ancien couvent de la Visitation).


La chapelle de la Visitation et la maison Lambert
Aquarelle gouachées de Pierre-Joseph Antoine (1730-1814)
Série de 41 vues des monuments de Dijon
(Bibliothèque municipale de Dijon)

Vendu comme bien national avec l'ancien convent de la Visitation en 1792, la maison n’eut plus à subir dans les années suivantes de transformation notable. Occupé par diverses familles, dont celle des cuisiniers Pierre et Jean Gaillard durant la première moitié du XIXeme siècle, la maison Lambert fut rachetée en 1845 par la congrégation de Sainte-Marthe. Achetant également l'ancien couvent de la Visitation et divers bâtiments attenants, elles se consacrèrent à l’éducation des jeunes filles, aux soins des pauvres et des malades. Ayant probablement besoin d'argent pour faire fonctionner cet établissement, elles louèrent la maison Lambert à des particuliers. Durant la période allant de 1860 à 1870, y vivent en effet plusieurs familles comme celle du serrurier Gavot, du chapelier Py ou du tailleur d’habits Muzemberg. On voit grâce au recensement de la population pour l'année 1876 que la maison était encore à cette date habitée par des particuliers. Elle le fut même jusqu'en 1906. Durant cette période s'y succède l'architecte Henri Degré* (1818-1886), le bibliothécaire Pierre-Philippe Guignard** (1820-1905), la famille d'imprimeur et de comptable Marchand, l'horloger Jean Mermoz, le maçon Jean Bouche (né en 1869) et le sous-officier au 27e de ligne Xavier Genet.

A partir de 1906, les sœurs de Sainte-Marthe occupe entièrement l'espace comprit entre le 58 et le 54 de la rue de la Préfecture. Modernisant les bâtiments et se consacrant à la chirurgie des 1900, elles ouvrent une première clinique en 1910. Fonctionnant à plein régime durant la première guerre mondiale, elle soigne à cette époque les blessés à leur retour du combat. S'agrandissant encore durant l'entre deux guerres elles accueillirent jusqu’à 45 lits en 1953. Après la fusion avec les sœurs de Nevers en 1967, elle transformèrent en 1970, l'ancien jardin potager pour en faire une nouvelle structure médicale. Céder à un groupe de médecin en 1974, la clinique fut encore modifier en 1988 et vit le cloître se moderniser pour abriter le nouveau service de pédiatrie.

* On lui doit entre autre le débastionnement de la ville de Dijon et la construction d'un nouveau marché aux Jacobins.
** Natif de Dijon et debutant ça carrière à Troyes, il fut par la suite archiviste paléographe à la bibliothèque municipal de Dijon



Encaissée entre la clinique Sainte-Marthe et une maison d'habitation du XIXeme siècle, cette maison se compose d'une façade sur deux étages prolongée à l'arrière par un bâtiment de fort petite dimension. Conçu en pierre d'Asnière, la façade comprend un rez-de-chaussée, un étage noble et des combles placés sous une toiture en ardoise. Au niveau du sol, les deux grandes fenêtres s'appuie sur des soupiraux en arc de cercle utilisé pour éclairer la cave. Munie de nos jours de barreaux métalliques ces deux fenêtres encadre une porte cintrée. Placé dans un renfoncement du mur, cette porte est surmontée d'une coquille abritant en son centre un mascaron à tête d'homme. L'ensemble repose sur une console ornée de petits boutons et d'enroulements. De part et d'autre se déploie une guirlande composée d'un enchevêtrement de fleurs et de feuillages.
La balustrade faisant la liaison avec l'étage supérieur est constituée de gros balustre rectangulaire noyé dans le mur de la façade. Débarrassée de leurs grilles en fer les trois fenêtres du dessus sont dépourvues de décoration. Aujourd'hui privée de fronton semi-circulaire et de vase d'amortissement, la lucarne des combles se décompose en trois fenêtres d'aspect contemporain.