DIJON (21)
Hôtel au "31 rue de la Prefecture"
(voir la page d'accueil de Dijon)

De conception assez récente, cette maison de la rue de la Préfecture occupe l'un des angles de l'ancienne place Charbonnerie. Malgré son apparence moderne, cette maison semble avoir une origine bien plus ancienne et fut peut-être construite par Régnier Pot (1342-1432). D’après ce que dis Claude Courtépée dans ça "Description générale et particulière du duché de Bourgogne" publiée en 1778, c'est en effet à cet emplacement que se trouvait l'hôtel Pot. Issu d'une famille de seigneur présente en Bourgogne dés le commencement du XIIIeme siècle, Regnier Pot fut seigneur de La Prugne et de La Roche Nolay. Occupant des postes important à la cour du Philippe III le Bon, il fut tout d'abord trésorier et échanson du duc puis gouverneur du Dauphiné et du Languedoc de 1410 à 1414 et enfin président de son Conseil ducal en 1427. Il est connu également pour avoir été l'un des chevaliers fondateurs de l'Ordre de la Toison d'or (1430). Marié en 1392 avec Catherine d’Anguissola, dame d’honneur de Valentine Visconti, il s'engagea en 1396 aux cotés de Jean Sans Peur dans la terrible bataille de Nicopolis contre les troupes de Bajazet, puis après son retour, acquit en 1403 le château de la Roche-Nolay (aujourd'hui La Rochepot). Grand-père du Grand sénéchal de Bourgogne Philippe Pot (1428-1493), il aurait fait construire un hôtel place de la Charbonnerie à la fin de ça carrière. Si Courtépée ne se trompe pas, il aurait donc été voisin avec un autre chevalier de la Toison d'Or, le comte de Dammartin, Antoine de Vergy qui habitait au 22 de la rue de la Préfecture.


Portrait de Regnier Pot
dans "Statuts, Ordonnances et Armorial de l'Ordre de la Toison d'Or"
réalisé par Gilles Gobet en 1473
conservé à la Bibliothèque royale de La Haye

Délaissé par son fils et son petit-fils, qui habitaient la plupart du temps au château de La Rochepot, cet hôtel commença très tôt à décliner. Habité probablement par une ou plusieurs famille de charbonnier au cours dés XVeme et XVIeme siècle, la maison est encore représentée sur "Le Vray Portraict de la Ville de Dijon" dessiné par Edouard Bredin en 1574. Malgré les imprécisions de ce plan, on y distingue tout de même une grande maison d'angle à deux étages pour la partie donnant sur la place et un petit bâtiment enjambant la rivière du Suzon pour la partie en retour. Ayant disparu du plan réalisé par Giacomo Lauro en 1628, elle fut peut-être détruite au début du XVIIeme siècle pour des raisons de vétusté. Absente de toute documentation sur une période allant du milieu du XVeme siècle à la fin du XVIIIeme siècle, la maison réapparaît en 1808 lorsque Louis Vincent Mouret, capitaine d'artillerie, vend deux maisons situées place de la Charbonnerie et place de la Banque à Jean-Bruet-Cretenet. En 1819, ce dernier vend la maison du 31 rue Charbonnerie à Jean-François Terrand.

Un peut plus tard, on apprend grace au recensement de population pour l'année 1841 (conservé aux archives départementales de la Côte d'Or), que la maison est la propriété de Benoît Fourrat (1797-1884), un docteur en chirurgie originaire de Beaune. Sa femme, née Henriette Stephanie Gouget (1815-1886) était issue d'une vieille famille d'avocat au Parlement de Bourgogne remontant à Maurice Gouget-Deslandres (1755-1827). Suivant la même carrière que son illustre aïeul, son petit-fils Henry Nicolas François Gouget (1793-1844) fut avocat et bâtonnier de l'ordre des avocats de Dijon. Marié avec Marie Espérance Bonne, il devait déjà être en possession de cette maison puisque tous ces enfants naquirent "place de la Charbonnerie". Passé en héritage à ça fille Henriette-Stéphanie, la maison revint à son époux le médecin Benoit Fourrat. Ayant les moyens de faire de gros travaux, les époux Fourrat firent reconstruire entièrement cette maison en 1846 (d’après le plan d'alignement de la commune de Dijon conservé aux archives départementales). Habitant quelque temps dans la maison familiale, son fils Henri Fourrat (1835-1892) devint négociant en vin et s'installa à Paris vers 1870 en compagnie de son épouse née Tripet. Loué ou vendu vers 1860 la maison fut encore occupée sporadiquement par Benoît Fourrat (en 1872 notamment) avant de changer définitivement d’acquéreur.

Occupé par le baron Joseph Pastol de Keramelin (1802-1867), puis par ça veuve, née Chavansot Mougin jusque vers 1872, la maison connue peut de changement durant cette période. Issue d'une famille de militaire originaire de Bretagne ce personnage fut lieutenant d'un régiment de dragon et descendait par ça mère née Bazire d'une famille de marchand drapier dijonnais. Partagé ensuite entre la famille Lariotte, des menuisiers, et la famille de manœuvrier Gibassier jusque vers 1885, la demeure due connaître à cette époque quelque transformation intérieure vue la profession de ces occupants. Jusqu'à l’extrême fin du XIXeme siècle, la maison est ensuite habitée par des hommes ayant des professions assez proches (un vitrier, un couvreur, un maçon et un plâtrier) et toute liée aux métiers du bâtiment. La présence dans cet hôtel, de tous ces corps de métier permis certainement la restauration des façades et l'ajout d'une couverture en tuiles vernissées bien dans le goût néo-Renaissance alors en vogue à Dijon. A partir de 1896, la maison retrouve un peut de son calme et ne fut plus habité que par deux familles bourgeoises. Les Fléty, qui furent chirurgien-dentiste à la chartreuse de Champmol et Alfred Chevignard de La Pallue (1839-1904), fondateur de la banque du même nom et père de neuf enfants. Issue d'une vieille famille Beaunoise remontant au XVIeme siècle*, Alfred Chevignard se maria avec Lucie Mauguin et décéda vraisemblablement à son domicile familial.


Blason de la famille Chevignard La Pallue

Acheté vers 1906 par Emile Bécoulet, la maison fut conserver par ce dernier jusqu'à la fin de la première guerre mondiale. Connu pour avoir été l’orfèvre de l'évêché et pour avoir occupé le poste de président du syndicat des bijoutiers, Emile Bécoulet vécu par la suite de ces rentes et légua cette maison à sa fille Juliette. Marié au négociant en vin Edouard Morin cette dernière eue un fils, Jacques Morin qui naquit en 1913. Originaire de Nuits-Saint-Georges, la famille Morin est bien connue dans le domaine viticole. Elle fut probablement à l'origine du portail art déco en ferronnerie, exécuté vers 1920, qui orne l'entrée de la maison et qui montre les différents métiers du vin. Conservé par la famille Morin jusqu'à la seconde guerre mondiale, la maison fut finalement vendue à divers acheteur particulier qui habite toujours les lieux.


* (ces membres principaux furent notaire et maire de Beaune en 1548 puis procureur du Roi aux Baillage et à la Chancellerie de Beaune vers 1659, Grenetier au Grenier à sel de Beaune, Trésorier général à Dijon, Trésorier au bureau des Finances de Dijon en 1710 et enfin conseiller au Parlement de Bourgogne en 1786)



Installée aux angles de la rue de la Préfecture et de la rue Suzon, cette maison est précédée d'une cour, fermée sur le devant par un haut mur à balustrade constitué de colonnette de forme renflée. Encadrée par deux piliers en bossages couronnés de vases d'ornement, le portail en ferronnerie est un bel exemple de ce qui se faisait dans les années 1920. Sa décoration, constituée de grappes de raisins et de feuilles de vigne symbolise le vignoble Bourguignon. Dans les medaillons sont figurés les personnages de Bacchus pressant du raisin au dessus d'une jarre et de Vulcain qui martele une piece de metal. S'inspirant de l'art "nègre" alors en vogue, ces représentation sont la pour nous rappeler les metiers de vigneron et d'orfèvre exercé par les famille Morin et Becoulet.
La façade principale, entièrement recouverte de vigne vierge, est constituée d'un bâtiment principal et d'un petit pavillon d'angle. S'élevant sur deux nivaux, l'ensemble est éclairé par de longue persienne installée à l'étage et par une porte en ferronnerie précédée d'un auvent. Munie de lucarnes à fronton triangulaire de facture assez simple, la toiture constitue la partie la plus intéressante du bâtiment. Réalisée dans le dernier quart du XIXeme siècle, cette dernière est ornée de tuiles polychromes vernissées. Utilisant des tonalités assez claires (bleu pale, ocre et jaune sable), les couvreurs s'employèrent à dessiner des motifs géométriques en forme de zigzag et de losanges allant en se rétrécissant. L'épi de faîtage en fer forgé qui surmonte le tout est constitué d'un vase à anse courbe, de deux roses et d'un petit drapeau.