DIJON (21)
Hôtel Coeurderoy
(voir la page d'accueil de Dijon)



Blason des Mazilles :
"de gueules, au fer de moulin d'argent,
à la bordure engrêlée du même"

C'est dans la première moitié du XVeme siècle, que cette parcelle de terrain situé entre la rue Vannerie et les anciens remparts fut occupée pour la première fois. D’après certain texte, la construction du premier hôtel sur ce terrain revient à Jehan de Mazilles. Le cellier voûté d'ogive de style flamboyant semble cependant datés du XIVeme siècle. Quoiqu'il en soit ce premier bâtiment de style gothique reste à tout jamais attaché à la personne de Jehan de Mazilles. Connu pour avoir été écuyer et capitaine-chatelain de Saulx et de Salives des 1429 il fut aussi premier panetier du duc en 1424, gruyer de Bourgogne aux bailliages de Dijon, Auxois et Montagne en 1457, échanson et enfin conseiller du duc Philippe III de Bourgogne. Enfin il acquit la seigneurie de Marey-sur-Tille. Egalement prénommé Jean, son fils fut à son tour panetier, puis échanson du duc en 1475 et châtelain de Saulx dès 1459. Il fut chargé d'annoncer en Bourgogne la défaite de Charles le Téméraire à la bataille de Morat (22 Juin 1476) et mourut après 1489. On ne sait pas s’il eut des enfants de ça femme Aglantine Monnot. On possède également peut d'information sur son frère Regnier de Mazilles qui fut écuyer et lieutenant du capitaine de Saulx.


Blason des Saulx-Tavannes :
"d'azur au lion couronné d'or,
armé et lampassé de gueules"


La présence des Saulx-Tavannes dans cette demeure dés le début du XVIeme siècle s'explique par le fait qu'ils achetèrent ces lieux après l'extinction des seigneurs de Mazille. Ces derniers ayant été pendant plus d'un demi-siècle leur capitaine-chatelain, il est naturel de penser que la branche des Tavannes voulut acquérir cette demeure située au centre de Dijon. La proximité avec l'ancien hôtel de Saulx situé 15 rue Vannerie et la volonté pour la branche nouvellement créer des Saulx-Tavannes d'habiter dans une autre demeure justifia ce choix.
Connu des la fin du XIeme siècle, la famille de Saulx remonte à Guy Ier comte de Sauz (connu avant 1086). La seigneurie et le château restèrent dans cette lignée pendant huit génération et s’éteignit avec Guillaume de Saulx en 1286. La branche des seigneurs de Fontaines qui acquis ce titre à la mort du dernier héritier direct se termina avec Hugues de Saulx vers 1320. Passée ensuite aux seigneurs de Courtivron, elle passa par après au seigneurs de Meix et enfin a la seigneurie des Ventoux qui s’arrêta avec la mort de Claude de Saulx après 1565. C'est de cette dernière branche que sont issus les seigneurs d'Arc-sur-Tille et dont descend Jean de Saulx, seigneurs d'Aurain. Faisant la liaison entre les Saulx et les Tavannes ce personnage fut gruyer et grand louvetier de Bourgogne, il mourut en 1538. C'est par ça femme Marguerite de Tavannes épousé en 1504 que ce nom rentra dans la famille des Saulx.
Originaire du canton de Berne en Suisse, Marguerite était la fille de Jean de Tavannes, seigneur de Dalle, de Vandey, de Gavanches et de Saint Julien et colonel d'un corps de lansquenets au service de François Ier. Egalement prénommé Jean, le frère de Marguerite fut seigneurs de Dalle et colonel des Bandes Noirs au service de François Ier. Repoussant les Anglais en Picardie et combattant à Saint-Jean-Pieds-de-Port ainsi qu'a Marignan et dans le Milanais, il servit les rois Louis XII, François Ier et Henri II. Naturalisé Français en 1518, il mourut en 1523.


Portrait du Maréchal Gaspard
de Saulx-Tavannes (1539)
Atelier de Jean Clouet (1480-1541)
Musée Condé, Chantilly
Après son décès, le roi François Ier ne voulut point voir ce perdre le nom des Tavannes, il demanda alors à Gaspard, fils de Marguerite de Tavannes et Jean de Saulx d'accoler ce nom au sien. Né au 15 rue Vannerie dans l'ancien hôtel de Saulx, Gaspard de Saulx-Tavannes (1509-1573) résida également beaucoup au numéro 35 qui allait être connu des lors sous le nom d'hôtel de Saulx-Tavannes. Il fréquenta aussi le château de Sully (71) qu'avait acheter son père. Il lui adjoint la façade Ouest Renaissance dessinée par Nicolas Ribonnier. En outre, il confia à ce même architecte la construction du château de Pailly dans la région de Langres. Enfin, il fut propriétaire de la vieille forteresse de Motgilbert (03) que lui apporta ça femme en dot. Avec une telle passion pour l'architecture, il est fort à parier qu'il fit faire des modifications dans ça résidence Dijonnaise. Ayant servit dans l'armée dés son plus jeune âge, Gaspard de Saulx-Tavannes fut maréchal de France et Amiral des mers du levant. Il cumula de nombreuses seigneuries et titres comme ceux de baron de Sully, de la Marche, de Chancey, de seigneurs d'Orrain, de Pailly, de Prangey, de Veyvres, vicomte de Ligny-le-Châtel, etc... Il fut également chevalier conseiller du roi, lieutenant-géneral de la province de Bourgogne et bailli de Dijon. Marié en 1546 à Françoise de La Baume (1528-1611), il eut plusieurs enfants de celle-ci. Ayant passée une bonne partie de ça vie sur les champs de bataille et à la cour, il mourut en 1576 au château de Sully et fut inhumé dans un mausolée à la Sainte-Chapelle de Dijon.
L'hôtel et la plupart des domaines revint alors à ces fils Guillaume et Jean de Tavannes. Digne héritier de leur père, Guillaume (1553-1633) et Jean (1555-1630) furent respectivement lieutenant du roi en Bourgogne, Bailli de Dijon, chevalier du Saint-Esprit et, vicomte de Tavannes, Maréchal de France, gouverneur d'Auxonne, lieutenant au gouvernement de Bourgogne pour Jean de Saulx-Tavannes. A leurs morts, l'hôtel continua d’être occuper par les descendants des deux frères. On y voit tout d'abord les successeurs de Guillaume en la personne de Claude de Saulx (mort en 1638), Comte de Tavannes et Buzançois, capitaine-lieutenant des gendarmes du prince de condé, lieutenant-général des armées du roi et finalement bailli de Dijon en 1637. Son fils Jacques (1620-1683) fut comte de Buzançois, lieutenant général des armées et bailli de Dijon. Noël de Saulx, le frère de ce dernier fut marquis de Tavannes, de Mirebel et capitaine-lieutenant des gendarmes du prince de Condé. Marié en 1649 à Gabrielle Joubert de Barrault, il mourut en 1679. C'est par ça veuve que la demeure se rattache à nouveau à la famille des Saulx. Elle était en effet la fille du conseiller d'état, Antoine Joubert comte de Barrault et de Claude de Saulx-Tavannes (sont père était Jean de Tavannes que nous avons vu plus haut). Resté dans cette même famille jusqu’à la fin du XVIIeme siècle, l'hôtel fut finalement vendu le 8 Août 1693 à Etienne Coeurderoy.

Portrait de Jacques
de Saulx-Tavannes
Attribué à Claude Lefebvre (1637-1675)
Musée des Beaux-Arts, Dijon

Familier des Tavannes, Etienne Coeurderoy se rendait souvent dans cet hôtel et décida de l'acheter à la veuve du marquis de Tavannes. Originaire de Moutiers-Saint-Jean, les "Cœur de Roy" font remonter leurs généalogies aux alentours de 1392. On y voit tout d'abord un Jean Coeurderoy, pelletier à Dijon, puis Huguenin Coeurderoy au début du XVeme siècle. Connu pour avoir été chevaucheur de l’écurie du duc de Bourgogne, Huguenin s’éleva par la suite à la dignité d'ambassadeur et fut envoyer auprès du pape en 1418. Tombé dans l'oublie pendant plus d'un siècle, le nom réapparaît en 1546 avec Guillaume Coeurederoy qui fut recteur des Ecoles d’Avallon pendant trois ans. Dix ans plus tard, on trouve un Etienne Coeurderoy comme huissier de chambre du duc de Montmorency à Dijon. Probablement issu de la même famille, Pierre Coeurderoy (1525-1569) fut notaire et homme d'armes dans l'armée protestante. Son fils François Coeurderoy (né en 1555) occupe le poste de notaire royal à Moutiers vers 1590. Son fils Pierre (1583-1645) fut procureur d'office fiscal en l'abbaye Saint-Jean-de-Réome à Moutiers.


Blason des Coeurderoy
"d'azur à un coeur couronné,
accompagné de deux palmes, le tout d'or"

(Armorial général du Duché de Bourgogne,
par Charles d'Hozier, 1696,
"Bibliothèque Nationale de France")


Venons-en maintenant aux ancêtres d'Etienne qui comme nous l'avons vue acheta cet hôtel. Albert son arrière-grand-père était probablement le fils de Pierre Coeurderoy (1525-1569). Connu lui-aussi pour avoir été notaire, il se maria en 1583 avec Philipotte le Sire. Son fils Jean fut grand argentier de la maison du prince vers 1620, maître particulier des Eaux et Forêts en 1629 et contrôleur de la recette d'Auxois en 1633. Son fils, un Jean Coeurderoy (1627-1709) lui-aussi, fut trésorier au bureau des finances en 1650, puis président de la chambre des requêtes au parlement de Dijon en 1656. Marié avec Elisabeth Vaussin, il restaura l'hôtel qu'il avait à Moutiers et fit implanter dans cette ville, des jardins dans le goût de Philibert Delorme. Devenu à son tours président au parlement en 1684, son fils Etienne acheta l'hôtel de la rue Vannerie afin d'avoir une résidence dans Dijon. Souhaitant transformer l'ancienne demeure des Tavannes, il fit édifier un grand-corps de logis avec deux ailes en retour et des jardins afin de montrer le statue important de ça famille. Marié à deux reprises, il épousa en 1696 Claude Thomas puis Marie Pillot de Fougerette au début du XVIIIeme siècle. Issu de son premier mariage, François Coeurderoy (1700- 1781) fut Président aux Requêtes du Palais des 1723. Marié à Jeanne de Mailly de Châteauregnault, il vendit en 1773 son hôtel à Jean Pérard, conseiller au parlement. Par la suite son fils Michel-Joseph Cxurderoy (1738-1800), sera marquis d'Aulnoy-sur-Seillet et seigneur d'Einville, conseiller au parlement de Bourgogne en 1758, puis premier président de la Cour souveraine de Nancy entre 1767 et 1790.


Blason des Pérard
"de gueule à une bande d'argent
chargée d'un ours de sable"

(Armorial général du Duché de Bourgogne,
par Charles d'Hozier, 1696,
"Bibliothèque Nationale de France")


Les Coeurderoy s'étant installés à Nancy et sur leurs terres de Moutiers-Saint-Jean, l'hôtel fut donc racheter par Jean Pérard le 22 janvier 1773. Installé tout d'abord au 19 de la rue Jeannin, les Pérard avait des postes de conseiller au parlement. Jean qui acquit cette demeure fut seigneur de Saint-Marcellin en 1755 et conseiller d'honneur au parlement en 1780. Marié avec Eléonore-Françoise Masson de Gendrier, il eut un fils Jean qui fut Président à mortier au Parlement de Bourgogne. Celui-ci n'ayant pas été mariée et n'ayant pas eu d'enfant, c'est donc à ça sœur Henriette-Madeleine Pérard que revint l'hôtel. Marié en 1777 avec le conseiller au parlement Alexis Charpy de Jugny (1754-1824) elle eut deux filles qui se partagèrent l'hôtel à leur retour d'immigration. Contraint de partir à Fribourg en Suisse durant la terreur, Henriette-Madeleine avait dû accoucher là-bas de ça seconde fille prénommée Clotilde. A son retour en France Clotilde Charpy de Jugny qui fut bientôt la seul propriétaire épousa en 1820 Maurice Henri Frédéric, Marquis du Parc (1793-1867) qui fut garde du corps du roi dans ça compagnie Ecossaise et lieutenant de cavalerie. Leurs fils Charles-Maurice-Nicolas naquit dans l’hôtel en 1825. Recevant le titre de comte du Parc il mourut en 1912. Marié avec Edith de Mesgrigny, il eut un fils, Maurice comte du Parc (1858-1937) qui habita la demeure des le début du XXeme siècle. S'étant mariée à deux reprises ce dernier eu de nombreux enfants qui vendirent l'hôtel au décès de leur sœur Odette du Parc. L'hôtel est de nos jours gérer par une Société Civile Immobilière.


Edifiée à l’extrême fin du XVIIeme siècle la porte d'entrée de l'hôtel Coeurderoy en impose par ça taille et par l'utilisation de pilastres à refends. Le linteau horizontal qui les surmontent est constitué de claveaux de pierres aussi finement taillées que ceux des pilastres. L'ensemble est terminé par une corniche munie d'un larmier et de cimaise. En sont centre trône une grosse agrafe sculptée. Constitué de deux éléments identiques, les impostes en bois sont ornées de guirlandes de feuilles.

Une fois passée le porche "dans-oeuvre" on arrive dans une belle cour entourée de bâtiments en U. S’élevant sur trois niveaux ces bâtiments ont des façades percées de porte-fenêtre et de haute persienne pour le premier étage. La décoration assez simple se concentre sur les grilles en fer forgé de l'aile gauche et sur les lucarnes à fronton cintré et triangulaire qui décorent l'ensemble de la toiture. Particulièrement grande, celle qui orne le corps de logis est encadrée par de petits rinceaux. Ceinturé par les anciens remparts de la rue Tivoli, le parc est orné d'un escalier en forme de fer à cheval et de niche encastrée dans les murs du rempart. Une vieille porte en ferme toujours l’accès.

A l'intérieur, c'est surtout les plaques de cheminée aux armes des Tavannes "d'azur au lion couronné d'or armé et lampassé de gueules" et la rampe en fer forgée du grand escalier qui attire l'attention. Cette rampe présente en effet des médaillons portant les initiales FC et MC entrelacés. Elle rappel les noms Fougerette et Coeurderoy pour le premier groupe et Marie de Fougerette pour le second. Enfin dans la grande cave se trouvent les traces d'un cellier du XIVeme siècle. Munie de piliers à chapiteaux feuillus, il se termine par une voûte d'ogive à nervures polygonales.