DIJON (21)
Maison Chisseret
(voir la page d'accueil de Dijon)


Avant d'aborder les différentes étapes de constructions de cette maison et ces multiples propriétaires, il est nécessaire d'évoquer l'origine et la carrière des principaux membres de la famille Chisseret. Etablie à Chalon-sur-Saône depuis la seconde moitié du XIVeme siècle, les Chisseret ou Chichert (l’écriture du nom varie en fonction des sources), furent tout d'abord connu pour être de prospère marchand de drap. Comme on le voit sur une dalle funéraire datée de 1395, cette richesse était suffisante pour qu'ils soient ensevelis dans une chapelle de la cathédrale Saint-Vincent. La présence de leur blason sur la dernière chapelle de droite indique qu'ils avaient également dû financer en partis les travaux de voûtement de la nef (travaux réalisés entre 1380 et 1429). Une fois que leur fortune fut faite, les Chisseret vinrent s'installer dans la commune d'Auxonne. Le premier à se faire connaître fut Amiot Chisseret. Ce riche bourgeois fut connu des 1417 pour être le maître particulier de la monnaie d'Auxonne puis fut élu maire d'Auxonne en 1419. En reconnaissance des services rendus au duché, Philippe le Bon le chargea de négocier l'achat du comté de Namur en 1421. Ca fille Guillemette se maria avec Louis de Visen, maître des comptes et receveur général de Bourgogne. Perrin Chisseret qui était sans doute le frère d'Amiot fut maître particulier de la monnaie d'Auxonne entre 1420 et 1422. Ca fille Alix (morte en 1491) se maria en 1450 à Pierre Despotots, seigneur de Frasne le Châtel et co-gouverneur de Besançon. Leur tombe se trouve toujours dans l'église Sainte Madeleine de Besançon. Vers le milieu du XVeme siècle, le nom apparaît à Dôle avec Regnier Chisseret et ça femme Henriote (1451), puis à Troyes avec le marchand Jacquinot Chisseret. Finalement on retrouve ce nom à Dijon en la personne de Jehannin Chisseret. Ce riche marchand acheta en 1460 à la veuve Jeanne Tadrouse une maison située au 8 rue du Bourg (actuelle rue Liégeard).


Blason de la famille Chisseret

Son fils également prénommé Jean (mort vers 1554) obtint des lettres de noblesse et prit "d'azur au cerf d'or" comme armoiries. Les quatre enfants qu'il eut firent de très belle carrière et de belle alliance. Bénigne fut procureur des pauvres et échevin, son frère Jehan fut avocat, leur sœur Claudine Chisseret épousa Arnoulet de Macheco, seigneur de la Grange du Pré. De leur union naquit la ligné des Macheco bien connus à Dijon durant la Renaissance. Enfin, le dernier de ces enfants fut Philibert Chisseret (x 1569). Plus connu que ces frères et sœurs il fut tout d'abord lieutenant-particulier au bailliage Auxonne en 1553 puis conseiller au Parlement de Dijon en 1554. C'est à lui que l'on doit la construction de la façade Renaissance de la maison. De ça femme Jeanne Tricaudet (x 1574), il eut Nicolas Chisseret (mort en 1603). Ce dernier fut avocat au parlement de Bourgogne et se maria avec Marie Jullien. Jeanne leur fille unique épousa en 1603 l'avocat Pierre De Villers (mort en 1650). Leurs fils, Philippe II de Villers fut seigneur de Vougeot et conseiller au parlement en 1629. Malgré l’arrêt de la ligné masculine avec Nicolas, il semble qu'il y est eu d'autre branche puisqu'on retrouve d'autre Chisseret dés le milieu du XVIeme siècle. En effet un certain Pierre Chisseret fut échevin au bailliage de Citeaux puis lieutenant particulier au bailliage d'Auxonne (1543) et enfin conseiller au parlement de Bourgogne (1544). Ca fille ou plus certainement ça petite-fille Marie Chisseret (morte en 1663) épousa l'imprimeur et généalogiste Pierre Palliot (1608-1698). Pour finir, on peut citer Claude Chisseret qui fut avocat à la cour de Dijon en 1665 et une ligné d'apothicaire originaire de Nuits-Saint-Georges. Le premier membre de cette famille fut Paul Chisseret qui se maria avec Françoise Masson en 1610. Leurs fils Jean repris le commerce de son père et s’unit avec Françoise Girard en 1640. Tous deux eurent une nombreuse progéniture dont Claude qui repris la boutique, Pierre qui fut clerc tonsuré à Nuits-Saint-Georges et Claude-Paul qui occupa le poste de secrétaire à l'Hôtel-de-Ville de Nuits entre 1693 et 1735. De son mariage avec Jeanne Nyault en 1711, ce dernier eu un fils qui naquit en 1723. Prénommé Jean-Baptiste-François celui-ci revint à Dijon pour occuper le poste d'avocat au parlement de Bourgogne.

Revenons à présent à la maison Chisseret et aux différentes personnes qui l'occupèrent depuis ça construction au début du XVeme siècle. Les restes d'arcades en forme d'ogive indique une date avoisinant les années 1420. A cette époque les registres nous apprennent que le propriétaire d'alors était un certain Huguenin Marriot et ça femme Jeanne Tadrouse. Cette famille de marchand drapier et épicier finit par accéder aux postes de maître de la monnaie et de maire dans la seconde moitié du XVeme siècle. Décédée vers le milieu de ce siècle, c'est ça veuve qui conserva la maison. Morte sans enfants, elle vendit ces biens à Jehannin Chisseret en 1460. Faisant elle aussi partie de la communauté des marchands drapiers, la famille Chisseret conserva cette demeure durant trois générations. Si Jehan, le fils aîné de Jehannin ne semble pas avoir apporté de modification à la maison, son petit-fils Philibert Chisseret (mort en 1569) transforma radicalement la façade et la cour de la maison. Faisant appel à des artistes évoluant dans le cercle d'Hugues Sambin, il fit élever une façade de style Renaissance et une cour intérieur à arcades et rampe en fer forgé. Ca position de conseiller au Parlement de Dijon acquise en 1554 ce devait d’être bien visible par l'ensemble de la population qui regardaient la riche ornementation de la façade. A la mort de Philibert en 1569, c'est son frère Benigne qui s'occupa de ça succession et qui vendit la maison à la famille Thiévard. Gardé très peut de temps par cette famille, la demeure fut acquise par les Vallot dés le dernier quart du XVIeme siècle. Le lien de parenté qui existait entre les Chisseret et les Vallot n'est probablement pas étranger à l’acquisition de cette demeure par ces derniers. En effet Marguerite, la fille de Bénigne Chisseret avait épousé Jacques Vallot. Issu d'une famille d'avocat et de procureur au parlement de Bourgogne ce dernier était lui-même procureur et avait obtenu la charge de correcteur à la chambre des comptes de Dijon en 1626.


Calice réalisé par Henri Dejouy en 1922
pour l'Hôtel-Dieu de Beaune


Après la mort de Marguerite en 1648, la maison revint à son fils Charles-Benigne (x1666) qui fut lui aussi conseiller en la chambre des comptes de Bourgogne. Elle passa ensuite à son fils Antoine (1641-1701) qui fut correcteur à la chambre des comptes. Mort sans enfant mâle, la maison fut vendue au début du XVIIIeme siècle à la famille Tabourot dont était issu le célèbre poète dijonnais Etienne Tabourot des Accords (1549-1590). Peut de temps après elle fut rachetée par Paul-Michel Petit, un écrivain médiocre qui publia en 1718 une version bourguignonne des œuvres de Virgile. En cette même année, ces fils vendirent la maison à un certain Sébastien Rostaing. Marié à Jeanne Boyer en 1713 ce dernier conserva la demeure jusqu'en 1749. Durant cette période, il loua les lieux à plusieurs libraire. En 1730, ce fut tout d'abord son gendre Claude Thevenot (il avait épousé Elisabeth Rostaing en 1734) qui s'y installa, puis en 1737 François Desventes y installa son magasin. Entre la mort de Sébastien Rostaing et la Révolution, la boutique fut conservée par plusieurs membres de ça famille. Ce fut tout d'abord ça nièce Christine Boyer qui y habita puis la demeure fut occupée par ça fille Christine Rostaing jusqu'en 1787. A cette époque la maison fut une nouvelle fois vendues et changea également de fonction. Elle fut rachetée par Louis-Joseph Drevon un orfèvre Dijonnais réputé. Acquis aux idées révolutionnaire ce dernier rejoignit la société des amis de la constitution et organisa chez lui des réunions entre 1790 et 1793. Marié avec la fille de l'orfèvre Jean-Baptiste Liégeard (1733-1803), il rassembla ça demeure avec celle des Liégeard qui se trouvait juste à coté. Au XIXeme siècle la maison appartint tout d'abord au Brunet puis vers 1850 au Cromback, une autre famille d'orfèvre. Peut de temps après le commerce passa à Victor Mathieu qui céda ensuite son fonds à l'orfèvre Pierre Taitot en 1870. Dans le premier quart du XXeme siècle, la maison continua d'abriter une boutique d'orfèvre. Elle fut tout d'abord la propriété du célèbre ciseleur Henri Dubret (1872-1947), puis elle fut occupée par Henri Dejouy dans les années 1920. Ce dernier était réputé pour fabriquer des objets liturgiques tel que des calices. De nos jours, c'est une presse et un centre de remise en forme qui occupe les lieux.

La superbe façade Renaissance qui orne la rue Stephen-Liégeard fut réalisée dans le style d'Hugues Sambin dans la seconde moitié du XVIeme siècle. Concentré essentiellement au premier étage la décoration si caractéristique du maître se déploie au niveau des fenêtres et de l'échauguette. Le rez-de-chaussée bien plus austère, est éclairée par deux grandes portes-fenêtres et par une porte d'entrée en anse de panier. Le tout est dépourvu d'une quelconque ornementation.
Au niveau supérieur les trois fenêtres sont surmontées par des frontons semi-circulaires brisés. Celui du milieu est orné d'un beau spécimen de choux bourguignon. Les frontons latéraux aux angles en formes de rinceaux sont couronnés par des mufles de lions. Tout autour se déploie une décoration constituée de rinceaux et de guirlandes de fleurs et de fruits exotiques. Les montant de fenêtres eux aussi décorée furent entourés de trophées militaires Romain. En regardant de prés ont y découvre des casques, des épées, des boucliers, des étendards et des cuirasses.
L'espace vide situé à droite au-dessus de l’échauguette, fut comblé par une couronne de feuille de chêne serrée par un ruban et surmontée par une tête d'enfant et deux têtes de brebis. La partie centrale aujourd'hui effacée devait être ornée du monogramme des Chisseret. Juste en dessous, la petite échauguette sur encorbellement est elle aussi richement décorée. De part et d'autre de la petite fenêtre se déploie une guirlande de fruits. Un long ruban plissé couronne le tout. Un petit oculus latéral permet un meilleur éclairage de ce réduit.
Bien que rarement ouverte, la cour intérieure merite une visite et une description. Réalisée, elle aussi dans le style d'Hugues Sambin, elle se compose d'une aile abritant un escalier et une façade aux fenêtres géminées. L'escalier qui s’élève sur deux niveaux est bordé par un ensemble d'arcade pourvue de balustrades en fer forgé. La décoration qui encadre les fenêtres est composée de vases d'amortissements, de couronne de feuillages ornés du C de Chisseret et des guirlandes de fleurs encadrant un cartouche. Au sujet de la lettre C, certain chercheur du XIXeme siècle émirent l'hypothèse qu'il s'agissait en faite d'un croissant de lune. Ce croissant, emblème de la célèbre Diane de Poitiers était en effet fort à la mode en France durant la Renaissance. Toutes ces suppositions amenèrent certain guide de l'époque à donner le nom de "Maison de Diane" à cette demeure. Fort heureusement les recherches sur la famille Chisseret lui redonnèrent son nom d'origine.