DIJON (21)
Tour du petit Saint-Bénigne
(voir la page d'accueil de Dijon)


L'absence quasi totale de monument datant de la période gallo-romaine nous montre à quel point cette tour est précieuse pour une ville comme Dijon qui est pourtant riche en patrimoine ancien. C'est en effet le seul témoin encore visible du castrum d'origine si l'on inclut les ruines se trouvant sous l'église Saint-Etienne et les portions de murs comme celles se trouvant rue Berlier et rue Tivoli. Ces fortifications furent mentionnées pour la première fois au VIeme siècle dans "l'Histoire ecclésiastique des Francs" écrite par Grégoire de Tours (539-594). Ce "Castrum Divionense" comme il l’écrivait lui-même fut vraisemblablement construit durant le dernier quart du IIIeme siècle (les textes anciens donne l'année 273 pour ça fondation). D’après la tradition, c'est à l'empereur Aurélien (207-275) que l'on doit la construction de ces remparts. Marchant contre l'empereur des Gaules Tetricus qui se trouvait le long du Danube, il voulut d’après la légende fortifier le cite de Divio afin de protéger ce simple bourg d'une éventuelle invasion. Les Lingons et les colons romain (principalement des marchands) qui se trouvait ici depuis plusieurs générations (leurs ancêtres avaient du s’établir ici avec la VIIIeme légion Augusta au camp romain de "La Noue" en 68 de notre ère) remplacèrent le camp d'origine devenue trop petit et probablement en ruine par une enceinte d'environ 1200 de diamètre et couvrant une superficie de 11 hectares. La muraille d'une hauteur avoisinant les 10 mètres faisaient plus de 4 mètres d'épais. Un chemin de ronde en faisait le tour. Afin de solidifiée l'ensemble la partie basse était construite en grosse pierre de taille alors que le haut de la muraille était composé de petit appareil. Comme le temps pressait et que les matières premières commençaient à manquer, les bâtisseurs employèrent des pierres de remploies tel que des stèles funéraires, des corniches de temples, des tombeaux et toute sorte de pyramidions et d’obélisques d'origine Lingones (l'ensemble déposé est aujourd'hui visible au musée archéologique). Le tracé de cette enceinte passait à l'emplacement de la rue Longepierre et par le palais ducal pour la partie Nord. Le mur Sud empruntait plus ou moins les rues Charrue, Tivoli et Berlier. A l'est elle passait entre les rues Chabot-Charny et Buffon alors qu'à l'Ouest elle suit la rue Jules Mercier sur toute ça longueur. Le toute était complété par un ensemble de 33 tours (dont la tour du Petit-Saint-Benigne) et par 4 portes installées aux points cardinaux.


Plan du Castrum Gallo-Romain de Dijon.

Au Nord, la porte au Lion résista jusqu'en 1443. A cette date, le duc Philippe le Bon qui souhaitait agrandir son palais, la fit remplacer par la tour de la Terrasse. La porte Vacange situé au Sud se trouvait devant l'entrée de l'université. Elle permettait le passage d'un bras du Suzon. Cité dans deux actes de 1265 et 1268, elle tombe dans l'oublie après le XIIIeme siècle. La porte Ouest connu sous le nom de porte du Bourg fut détruite en 1595 afin de modifier le tracé de la rue de l'Amiral-Roussin. Le coté Est du castrum était tenue par la portelle Saint-Etienne. A la fin du XVIeme siècle, cette petite porte cachait la vue de la nouvelle façade de l'église Saint-Michel construite dans le style Renaissance. Elle fut donc détruite en 1570 après un procès ayant opposant la ville et les chanoines de Saint-Etienne. Cette portelle déjà mentionné dans les chartres de l'abbaye Saint-Etienne en 897 était épaulé par deux tours servant de clocher à l'église du même nom. La tour Nord qui flanquait l'abside primitive fut détruit vers 1045 sous l'abbatiat de Garnier de Mailly (+ 1051) afin de laisser place à un chœur plus grand. La tour Sud connu sous le nom de tour Baudoin subsista jusqu'en 1781.

Maintenant que le tour des monuments antiques disparus est fait, intéressons-nous à la tour du petit Saint-Benigne. Situé dans la cour du 11 rue Charrue, cette authentique tour romaine date de la fin du IIIeme siècle. Remanié à l'époque carolingienne, elle fut modifiée afin de repousser les invasions arabes du début du VIIIeme siècle. La tour et l'ensemble du castrum durent probablement servirent une nouvelle fois lors des attaques Normandes de 887 et 915. Epargné par le grand incendie qui ravagea la ville en 1137 et par la reconstruction d'une nouvelle muraille entreprise par le duc Hugues II, la tour fut finalement englobé dans la résidence des vicomtes chargés de représenter l'évêque de Langres. Le premier de ces vicomtes fut au IXeme siècle un certain Hugues de la famille des comtes de Mâcon. Passant à la famille Le Riche par l’intermédiaire de Guy dit le Bourguignon (+ 1054), elle fut donnée à son fils Gauthier puis par mariage elle passa à Thibaud de Beaune (+ 1070) puis à Josbert le Roux (1075 - 1125) seigneurs de Chatillon et enfin à son fils Josbert de la Ferté qui mourut sans enfant. Par alliance la vicomté et l'hôtel passèrent ensuite à la famille Pontailler de Champlitte pour y rester jusqu'au début du XVeme siècle. De 1170 à 1429, la maison et la tour romaine furent donc la propriété de ces vicomtes. Ils réussirent à garder leur bien malgré l’acquisition de la vicomté par Robert II de Bourgogne en 1276. En 1429, Guy et Guillaume vendirent l'hôtel et la tour à Jean Bonnot (maître des comptes à Dijon en 1409) pour la somme de 520 livres. C'est à l'occasion de cette vente que la tour fut appelé pour la première fois Saint-Benigne. Une légende voulait qu'elle ait servit de prison au grand martyre dijonnais. Toujours est-il que Jean Bonnot céda ses bien gratuitement l'année suivante aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. C'est juste à coté que ceux-ci édifièrent en 1516 une église dédiée à la "Magdeleine". Cette église et ces dépendances furent vendu comme bien nationaux à Hubert-Joseph Pasquier de Villars en Juillet 1796. Peut de temps après, l'étage supérieur de la tour du castrum fut démoli et l'église de la Madeleine fut entièrement détruite. Pasquier qui était également propriétaire de l'hôtel Fyot de Mimeure légua à son fils Jean-François Pasquier de Menanges l'hôtel avec les dépendances. Ce dernier, vendit le tout au commissaire de police Etienne Bulliot en 1809. Passant par la suite entre de nombreuses mains, la tour fait maintenant partie d'une propriété privée accessible depuis une cour intérieure.


S'élevant au-dessus des toits de divers hôtel particulier dont l'hôtel Patarin, cette veille tour romaine se termine par un étage tronqué. Bâtie en petits moellons, elle est munie d'une courtine, et d'une fenêtre en plein cintre bouchée, datant de la période carolingienne. La décoration de cette dernière bien qu’assez frustre présente tout de même de joli motif en arête de poisson.
L’intérieur qui servit de chapelle pendant plusieurs siècles est accessible au moyen d'un escalier tournant de 18 marches. Le rez-de-chaussée seul pièce accessible à la forme d'un caveau. De plan circulaire il est éclairé par un minuscule soupirail. L'ensemble est surmonté d'une voûte cintrée. Sur l'un des murs se trouve encore un autel médiéval gravé d'une croix de consécration.