BEAUNE (21)
Hôtel-Dieu
(voir la page d'accueil de Beaune)


Au lendemain de la guerre de Cent Ans, la Bourgogne s'était agrandie grâce à l'avantageuse paix d'Arras signée en 1435 entre le roi Charles VII et le duc de Bourgogne Philippe le Bon. Malgré ce traité, la population resta dans la misère la plus totale. Ce cortège de désolation fut bientôt accompagné d'une famine extrême que les bandes d'écorcheurs ne firent qu'attiser. Ces anciens mercenaires royaux s'étaient constitués en bande armèe et pillaient les villes du duché. Assassinant et brûlant tout sur leur passage, ils sévirent entre 1435 et 1445 dans les principales villes de Bourgogne. Envahissant, entre autre, les villes de Dijon et Beaune (1438), Tonnerre (1439), Mâcon et sa région (1442) et Auxonne (1444), ils causèrent de grandse désolations et furent probablement à l'origine de la peste qui débuta vers 1438. La ville de Beaune, qui était grandement touchée par cette pauvreté, était toute désigné pour accueillir un "hôpital des pôvres". Ce genre d'établissement avait commencé à voir le jour principalement dans le Nord (celui de Valenciennes fut fondé en 1432). Dans l'actuelle Belgique, celui de Gand remontait au milieu du XIIIème siècle. En Bourgogne, l'ancien hôpital Notre-Dame-des-Fontenilles avait été fondé par Marguerite de Bourgogne en 1293. S'inspirant de ces modèles, le chancelier Nicolas Rolin (1376-–1462) et son épouse Guigone de Salins (1403-1470) ne furent pas insensible à la misère du peuple et voulurent soulager les pauvres de la région. Dès 1441, le chancelier Rolin obtint du pape Eugène IV des lettres d'indulgence et d'exemption pour la fondation d'un hôpital. Le duc Philippe le Bon octroya lui aussi des lettres patentes affranchissant le nouvel établissement de toutes redevances. Hésitant entre sa ville natale d'Autun et Beaune, c'est cette dernière qui fut finalement choisie. Puisant dans ses fonds personnels, il dota l'établissement d'une rente de 1000 livres prélevée sur les saulneries de Salins. Le terrain sur lequel fut implanté l'hôspice fut vendu par Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges (mort en 1444). Ces terres jouxtaient les anciennes halles du duc et abritaient plusieurs maisons ainsi que l'ancienne tour Lancelot. Deux ans plus tard, l'acte de fondation fut enfin rédigé par le chancelier et les travaux purent enfin commencer. Ce texte, daté du 4 Août 1443, demeure bien encré dans l'esprit de l'époque. En voici un extrait:




Nicolas Rolin
Polyptyque du Jugement Dernier
Rogier van der Weyden
Hôtel-Dieu, Beaune

Comme on peut le voir, le chancelier Rolin oeuvrait autant pour le salut de son âme que pour le réconfort des pauvres qui abondaient dans la ville de Beaune. Durant les travaux qui se prolongèrent sur environ huit années, le chancelier fit appel à de nombreux corps de métier. Une foule d'artisan de toutes sortes s'activait sur le chantier. Les maçons, qui oeuvrèrent tout d'abord, furent dirigés par le maître Jean Ratheau. Le 9 Octobre 1446, un marché fut passé avec un groupe de charpentier pour couvrir le grand corps de bâtiment sur rue, la chapelle et la flèche. Dirigés par le maître-charpentier Guillaume La Rathe, les travaux furent effectués par Guillemin Dudet, Jehannin Garreau et Simon Bernier. Au début de l'année 1447, comme la grand-salle n'était toujours pas couverte, les frères Andry de la chatellenie de Germolles passèrent un marché avec le chancelier. Ils fournirent les ardoises qui furent posées par Baudechon Courtois, couvreur spécialisé originaire de Maizières-sur-Meuse. Au printemps suivant, la Grand-Salle était couverte lors du passage dans la ville de Guigone de Salins. Peu de temps après, les travaux de plomberie furent effectués par Colin Vinet et par d'autres artistes qui posèrent les faîtages de dentelle, les girouettes et les pignons fleuris. En 1447, le tailleur d'images Jehannin Fouquerel réalisa les dessins des carreaux qui devaient paver les salles. Ces carreaux furent par la suite confectionnés par Denisot Jeot tuilier à Aubigny. C'est ce même personnage qui réalisa les tuiles vernissées de la grande galerie en bois. Entre le mois d'août 1448 à juin 1449, le lit de la Boulaize fut detourné au moyen de fossés, puis canalisé afin de servir d'égoût. En même temps que les artisans élevaient les bâtiments, la conception d'un immense polyptyque consacré au Jugement dernier était donné au peintre flamand Rogier van der Weyden. Conçu approximativement entre 1445 et 1450, ce gigantesque retable ornait à l'origine la chapelle de la Grand-Salle. La consécration de cette dernière par l'évêque Jehan Rolin, le 31 décembre 1451, nous montre que les travaux avancèrent rapidement. Placé originellement sous le vocable de Saint Antoine, celui-ci fut substitué en 1452 par Saint Jean-Baptiste. Le 1er janvier 1452, le premier malade était confié aux soins de six soeurs recrutées par Rolin au béguinage de Malines. Ces hospitalières furent encadrées dès le début par la Supérieure Alardine Gasquierre. Alors que les soeurs s'occupaient des malades, l'intendance de l'hospice était confiée à André Duvernoy puis, quelques années plus tard, à Jean Duban.



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Guigone de Salins
Polyptyque du Jugement Dernier
Rogier van der Weyden
Hôtel-Dieu, Beaune

C'est sous l'intendance de ce dernier que la supérieure de l'hospice fut remplacée par une femme moins sèvère et plus apte à servir les pauvres. Le manque de règle et d'encadrement juridique qui avait pénalisé les hospices pendant presque une décennie fut vite oublié grâce à l'établissement de statuts par le Chancelier en août 1459. La même année, le pape Pie II approuva ces statuts dans une bulle solennelle. Après la mort du Chancelier en 1462, les travaux reprirent et se concentrèrent sur le grange dite du pressoir qui fermait la cour au Nord-Ouest. La construction de ce bâtiment pris fin en 1469. Guigone de Salins, qui s'installe aux hospices jusqu'à sa mort en 1470, n'est probablement pas étrangère à la fondation de ces nouvelles dépendances. Après la mort de Guigone, tout laisse à penser que les finances de l'hôtel-dieu étaient assez mauvaise et que les hospices avaient grand besoin d'argent. Ce fut chose faite le 11 juin 1471 grâce à la donation de Jehannète, veuve de Claude Dubois, bourgeois de Beaune. Les quelques vignobles qu'elle céda à l'hotel-dieu furent bientôt suivie d'autres donations qui constituèrent l'un des tout premiers patrimoines viticoles de Beaune et qui permirent à l'établissement de s'en sortir économiquement pendant près de quatre-cents ans. Grâce à la charte qu'avait établi le Chancelier pour les soeurs hospitalières, celles-ci furent en mesure de se développer et de fonder de nouveaux établissements à travers l'Europe. Pour faire face à la demande croissante que rencontrait les hospices, il fut nécessaire de faire de nouveaux aménagements dès le milieu du XVIIème siècle. Le besoin de confort et la recherche d'un certain luxe furent l'occasion pour l'intendant et les soeurs de faire un certain nombre de travaux. En 1645, Hugues Bétauld, seigneur de Chesneau, conseiller du roi, et receveur des consignations au Parlement de Paris, fit aménager la salle Saint-Hugues et commanda une série de peintures à Isaac Moillon (1614-1673). En 1660, Louis Bétauld (frère d'Hugues et héritier de ses titres depuis 1652), fit construire un nouveau bâtiment. La salle Saint-Louis, qu'il fit édifier, remplaça l'ancienne grange du pressoir devenu vétuste. Une troisième salle fut édifiée grâce à la générosité de François Brunet de Montforand, président à la Chambre des Comptes de Paris (mort en 1696). Lors de la venue du roi Louis XIV en 1658, celui-ci établi une rente annuelle de 500 livres afin de séparer les hommes et les femmes.

Cette modification intérieur n'eut lieu qu'au XVIIIème siècle. L'hotel-dieu subi alors quelques petites transformations comme la création d'une seconde infirmerie en 1754 (actuelle Salle Saint-Nicolas), l'agrandissement de la pharmacie en 1776 et la modification de la salle Notre-Dame en 1784. Moins d'une décennie plus tard, les hospices vivaient les premiers troubles révolutionnaires avec l'angoisse et la peur du lendemain. Heureusement, il fut épargné et les soeurs continuèrent leur travail de charité envers les pauvres malgré la suppression des ordres monastiques en 1792. On leur demanda juste de se consacrer uniquement au soin des malades. Seules quelque-unes furent arrêtées pour avoir enfreint cette directive. Les bâtiments furent eux aussi préservés. Seul le polyptyque du Jugement dernier fut recouvert d'un badigeon afin d'eviter sa destruction. On constate même une certaine reprise des activités dès 1793 puisque c'est à cette date que fut élevée l'une des deux tourelles d'entrée de la cour. La vente des vins des hospices repris à son tour puisqu'en 1794 eurent lieu les premières enchères par voie d'affichage. L
e 18 février 1812, Napoléon Ier rétablie dans son ensemble l'institution des Sœurs hospitalières. Ces dernières profitèrent de l'argent que rapportait la vente aux enchères publique des vins (instaurée en 1820) pour continuer leur travail de charité. Cette vente aux enchères (qui existe toujours) doit beaucoup à un certain Joseph Pétasse (1803-1892) qui fut économe des hôspices de beaune et qui fit connaitre ses vins à travers le monde dès 1851. En 1853, de nouveaux travaux permirent la construction de la deuxième tourelle d'entrée. Entre 1872 et 1878, l'architecte Maurice Ouradou (gendre de Viollet-le-Duc) s'occupa de la restauration de la grande salle des pauvres. Réaménageant entièrement celle-ci dans le style néo-gothique, il ne conserva que les murs et la charpente. Au tout début du XXème siècle, de nouveaux travaux de restauration commencèrent. On se concentra sur la couverture en tuiles polychromes vernissées. Ce fut l’architecte Louis Sauvageot (1852-1908) qui se chargea de réinventer les motifs et les couleurs de cette toiture. Depuis 1971, les services de soin ont quitté les lieux pour un établissement plus moderne et l'hôtel-dieu abrite un musée.




Extérieurement, les hospices de Beaune sont d'une grande sobriété, seul le auvent laisse deviner la beauté de la cour intérieure. Cette austérité voulue était faite pour ne pas attirer la convoitise des bandes armées qui ravageaient la région. La façade n'est donc pas trés ornée. Quelques fenêtres et une porte de type ogival surmontée d'un auvent à double batière constituent l'essentiel de la décoration. La toiture à longs pans et pignon qui surmonte le tout est couverte d'ardoises et possède deux jolies lucarnes à la décoration flamboyante. L'auvent, qui protège la porte d'entrée contre les intemperies, est pourvu de trois arcades se terminant par des pendentifs sculptés. L'ensemble est terminé par des crètes de plombs et des pinacles ouvragés supportant des statues de saints. Pour finir, la porte d'entrée en chêne est munie d'un heurtoir ciselé avec une salamandre chassant une mouche.




Une fois passée la porte d'entrée, on constate que la cour intérieure est encadrée par quatre bâtiments. Le long bâtiment en pierre qui abrite la Salle des "Pôvres" est surmonté d'un toit à longs pans recouvert d'ardoises et muni de petites lucarnes. Au-dessus s'élève la flèche de plan octogonal qui sert également de carillon. La base de cette tour est ornée d'un ensemble d'arcs en accolade prenant appui sur des ballustrades et se terminant par un ensemble de pinacles à girouettes. Le petit appentis qui longe la façade et les deux tours encadrant la porte d'entrée date de la fin du XVIIIème siècle et du début du siècle suivant. Ces tours s'élèvent sur trois étages et sont surmontées par une toiture en ardoise. Elles abritaient le logis du portier et l'escalier du dortoir des soeurs.
A l'angle de cette longue façade se trouve un petit bâtiment de pierre surmonté d'une toiture en tuiles polychromes vernissées. Cette façade construite dans la seconde moitié du XVIIème siècle pour Louis Bethaud abrite la salle Saint-Louis. Cinq grandes fenêtres permettent l'éclairage du premier étage tandis qu'une porte surmontée d'un fronton semi-circulaire brisé donne accès au rez-de-chaussée. Les branches de ce fronton repose sur des consoles et encadre un blason aux armoiries buchées. Les tuiles polychromes de la toiture reprennent des motifs en forme de losange avec des couleurs dans les tons de vert, or, rouge et noir. Trois lucarnes dont un occulus circulaire permettent l'éclairage des combles. Deux de ces fenêtres sont encadrées par des volutes et se terminent par des frontons triangulaires ayant des pots à feu en leur sommet. La tourelle d'angle, qui fait le lien avec la grande galerie de bois, se termine elle aussi par une toiture en tuiles polychromes. Elle est percée d'une série de petite fenêtres et une lucarne flamboyante (avec pignons et girouettes) éclairant les combles.





La grande galerie de bois conçue approximativement entre 1445 et 1448 par des artisans Bourguignon est un chef-d'oeuvre de l'architecture médiévale. Au rez-de-chaussée, les colonnettes octogonales en pierre soutiennent la galerie du premier et forment un passage couvert qui se prolonge sur l'aile suivante. Au-dessus, la galerie est entièrement faite de bois. Les piliers et la ballustrade en forme de croix de Saint-André permettent le maintien de la toiture et des nombreuses lucarnes. Au nombre de onze, celles-ci sont réparties sur deux niveaux. Les cinq grandes lucarnes du niveau inférieur sont purement décoratives. Les fenêtres y sont absentes et l'éclairage des combles se fait par le niveau supérieur. De grande dimension, ces lucarnes reposent sur quatre arcatures en plein cintre. Au-dessus s'élève de petites surfaces en pans de bois avec des croix de Saint-André pour certaines. Des arcatures trilobées ornées de petits personnages sculptés encadrent ces structures tandis que des pignons ornés de girouettes surmontent le tout. Le deuxième étage de lucarnes est plus modeste. Elles sont équipées de fenêtres et se terminent elles aussi par des pignons avec girouettes, épis et faitières. La toiture à longs pans est entièrement recouverte de tuiles en terre cuite émaillées au ton rouge, brun, or et vert formant des motifs géométriques divers.




Le vieux puit qui agrémente l'un des angles de la cour semble être plus vieux que la construction des hôspices. Il repose sur une margelle de pierre et se termine par une armature de fer forgé. Au sommet de celle-ci est placée une girouette armoriée.
La derniere aile de la cour intérieure reprend les mêmes éléments que la grande galerie de bois. On y retrouve des colonnettes de pierre soutenant une galerie de bois et une toiture polychrome munie de lucarnes du même style (mais en moins grand nombre puisqu'elles ne sont que trois).
Dans l'angle est disposée une tourelle de plan octogonal, surmontée d'une toiture à tuiles vernissées et percée d'une petite fenêtre. Au sommet de la toiture sont disposés un épis et une girouette armoriée. Sous cette tour d'escalier court la galerie à pans-de-bois et une toiture polychrome faisant office de auvent.




Le décor de plomb, qui orne les tourelles et les lucarnes, fut réalisé par Colin Vinet et d'autres artistes vers 1446-1447. Durant cette période, ils fondirent de superbes pièces telles que des épis de faitières, des crêtes ornementales, des girouettes figurant divers armoiries et des gargouilles zoomorphiques. Cet ensemble décoratif est magnifié par la toiture en tuiles polychromes émaillées. Refaite entièrement par Louis Sauvageot entre 1902 et 1907, cette couverture faite de tuiles en terre cuite s'inspire d'une maquette en paille du XVIIIème siècle conservée dans l'hôtel-dieu. Les teintes rouge, brun, or et vert employées ici permirent la création de motifs géométrique divers. Les figures les plus généralement employées sont le losange, la croix et le damier. Le tout s'entrelace à merveille pour le plus grand plaisir des yeux.




Avec ses 46 mètres de long et ses 16 mètres sous voûte, la Grand'Salle est la plus grande pièce des hôspices de Beaune. La voûte qui surmonte l'ensemble est en forme de carène de bateau renversé. De longues poutres transversales et multicolores en maintiennent la stabilité. Ces dernières sont avalées en leurs extrêmités par des gueules de monstres marins. Par endroit, on dirait que ces bêtes fabuleuses ressemblent à des dragons et "crachent" les poutres traversières. Entre chacune de ces poutres sont disposés les visages caricaturaux des bourgeois de Beaune. Ils sont accompagnés par des têtes d'animaux symbolisant leurs défauts.
Dans cette grande pièce, qui servait jusqu'à peu de dortoir pour les pauvres et les malades, est disposé un ensemble de 28 lits à colonnes répartis en deux rangés sur les côtés de la salle. Ce mobilier (et la literie) fut refait en grande partie vers 1875 lors des restaurations. Il comprend quatre rangés de lits à colonne avec des draps blanc. Les couvertures et les courtines sont quant à elles d'un rouge soutenu. Le mobilier est completé par des chaises et des chevets. Autrefois, les lits étaient drapés de tâpisseries venant des Flandres pour les jours de fête. Aujourd'hui, ces tentures sont exposées dans la salle Saint-Louis.
Au sol sont encore conservés certains des carreaux de terres cuites réalisés par le tuilier Denisot Jeot vers 1447. On y voit encore les monogrammes entrelacés de Nicolas Rolin et de son épouse Guigonne de Salins avec un semi d'étoiles et la devise "Seule" qui signifie que Guigonne était la seule femme de ces pensés. De belles initiales gothiques figurant un N et un G symbolisent les noms des deux époux.
Au dessus de la grande porte d'entrée est installé un superbe Christ aux Liens datant de la fin du XVème siècle. D'orgine Barbançonne, cette sculpture polychrome en chêne fut taillée dans un seul et même fût. Plus grande que nature, cette statue est aussi appelée Christ de Pitié. Elle représente le Christ attaché aux mains et aux pieds avec, au sol, une tunique portant une tête de mort.





Située dans le prolongement de la salle des Pôvres, la chapelle est fermée par une cloison en bois de style flamboyant réalisé par l'architecte Maurice Ouradou et le menuisier Izembard à la fin du XIXème siècle. Avec sa structure en forme de jubé et sa porte centrale, elle est ornée d'un dais, de pinacles et d'un Calvaire. Située à proximité des malades, cette chapelle permettait à ces derniers d'assister aux offices religieux sans avoir à bouger de leurs lits. A l'origine, elle était ornée du célèbre Polyptyque du Jugement dernier que l'on peut voir de nos jours dans une pièce indépendante.
La grande verrière qui éclaire l'autel fut réalisée par Louis Ottin en 1877. Reprenant quelques éléments du XVème, elle est ornée de scènes bibliques comme la Crucifixion et une vierge de Pitié. Les donateurs sont figurés par Philippe III le Bon et sa femme Isabelle du Portugal ainsi que par le couple formé par Nicolas Rolin et sa femme Guigone de Salins. Ils sont accompagnés par saint Philippe, sainte Elisabeth de Hongrie, saint Nicolas et saint Antoine.
Le petit vitrail déposé dans l'un des angles de la chapelle est constitué de neuf médaillons traités en grisaille et en jaune d'argent. Ces fragments d'anciens vitraux du XVème et du XVIème siècle figurent principalement des scènes de la vie de la Vierge et du Christ. On y retrouve une Nativité de la Vierge, une Annonciation, une Vierge à l'Enfant et le calvaire du Christ. Les autres scènes qui les accompagnent représentent une allégorie de la guerre et son pendant figurant un pape désapprobateur et un paysan effrayé.
Le reste du mobilier de cette pièce est constitué d'un autel en marbre du milieu du XIXème siècle réalisé par Etienne de Saptes et figurant le Christ entouré par Saint-Pierre et Saint-Paul, des stalles en chêne de la fin du XIXème siècle et un bénitier en pierre de style gothique se trouvant juste devant la clôture de chêne.
Dans la chapelle furent également déposés les restes de Guigone de Salins. Une plaque commémorative en bronze signale sa sépulture.





Dédié à Saint-Hugues, cette salle fut créée par le conseiller du Roi, Hugues Bétault en 1645. Ce généreux mécène chercha à apporter un peu de confort aux malades en mettant à leur disposition tout le materiel qu'il était possible d'avoir au XVIIème. Le mobilier en chêne qui décore la pièce est constitué de lits à colonne fermés par des rideaux, de tables et de chaises confortables. Il commanda également toute une série de fresques et de peintures à l'artiste parisien Isaac Moillon afin d'orner les murs et le plafond de la salle.

La grande huile sur toile qui couvre le plafond fut réalisée en 1646 et représente la piscine probatique que l'on nomme également piscine miraculeuse de Bethsaïda. D'une composition assez étrange (Moillon place en effet le spectateur au fonc de la piscine), cette oeuvre montre Jésus en train de guérir un paralysé alors qu'il est entouré par des hommes, des femmes et des anges. Restaurée en 1810 et en 1946, cette toile est encadrée par des cartouches figurant les vertus théologales (foi, charité, espérance et mansuétude).
Placé juste au dessus de l'autel, l'huile sur toile figurant le Miracle de Saint-Hugues date elle aussi de 1646. Regroupant deux scènes en une, le peintre nous montre Saint Hugues de Lincoln ressuscitant un enfant noyé sous les yeux de sa mère et le même enfant se tenant à coté d'elle.
Les neufs grandes toiles qui ornent les murs de la pièce figurent les guérisons et résurrections miraculeuses du christ. D'une composition assez maladroite, ces toiles étaient faites pour redonner espoir aux malades et pour leur permettre de comprenred facilement le message Biblique. Issac Moillon y représenta les scènes suivantes : Résurrection de la fille de Jaïre, Résurrection de Lazare, Guérison de la belle-mère de saint Pierre, Guérison des deux aveugles, Guérison de l'hémorroïsse, Jésus redressant la femme courbée par un esprit malin, Guérison de la fille de la Cananéenne possédée par le démon, Guérison de l'hydropique et Guérison du paralytique.





La grande pharmacie du XVIIIème siècle est constituée de trois salles ayant des vocations différentes. Dans la première est installé un garde-manger constitué de plusieurs buffets et d'armoires en chêne contenant des pièces en étain d'usages divers. La seconde salle a css murs recouverts d'armoires à pharmacie en chêne lambrissé de style Directoire. A l'interieur sont disposées des faïences réalisées à Nevers, Paris et Dijon au XVIIIème et au XIXème siècle. Ces pots contiennent des remèdes de toutes sortes allant de la plante médicinale jusqu'à des ingrédients aussi fantaisistes que de la poudre de castor, un élixir de propriété ou des yeux d'écrevisses. Au pied du comptoir est disposé un grand mortier en bronze daté de 1760 et présentant les armoiries de Claude Morelot avec une inscription. Dans la dernière salle (qui ne se visite pas) se trouve le laboratoire avec ses cuivres et ses balances. Le sol de ces trois pièces est lui aussi recouvert de carreaux de terre cuite portant le même type d'initiales entrelacées

La structure d'ensemble de la cuisine a conservé le même aspect qu'à l'origine. De cette époque datent les deux grandes cheminée gothiques et la poutre qui soutient le plafond. Une reconstitution muséographique avec des soeurs en habits, une cuisinière du XIXème siècle, un ensemble de chaudron en bronze et des meubles en chêne, nous donne un aperçu du travail en cuisine. Le foyer de la cheminé est muni d'un tourne-broche à automate datant de 1698. Réalisé par l'horloger Dufresne, cette oeuvre en acier brossé est constituée de poulies, de contrepoids et d'un régulateur. L'ensemble est actionné par un petit automate en bois connu sous le nom de "Maitre Bertrand". Ce personnage représente un cuisinier portant un justaucorps rouge, de grandes bottes, des hauts-de-chausses blancs et un bonnet de la même couleur. Pour finir, l'âtre du foyer est tapissé des fameux carreaux de terre cuite.





Construite à l'emplacement d'une grange datant du milieu du XVème sècle, la salle Saint-Louis fut édifiée grâce à la générosité de Louis Bétault. Ce mécène fit bâtir ce bâtiment à partir de 1661 pour abriter les fours à pain et quelques lits de malades. Construite en moins de trois ans, elle était surtout utilisée pour accueillir les militaires. Munie d'un autel et surmontée d'un plafond à solive, cette pièce ne conserve de sa vocation d'origine qu'une fontaine en pierre du XIXème siècle terminée par une pomme de pin et ornée de têtes de lions. L'ensemble de la salle possède de belles collections de tapisseries, des meubles et des objets d'arts. Sur tout le pourtour de la pièce sont disposés des malles et des coffres à vêtements de style gothique datant du XVème et XVIème siècle. Certains d'entre eux sont ornés de superbes sculptures à thème biblique ou historique.

Les tentures réalisées à Tournai durant le premier quart du XVIème siècle décrivent la parabole de l'Enfant Prodigue en une série de sept tapisseries. Utilisant de la laine et de la soie, ces pièces représentent les scènes suivantes : une danse et fête champêtre, un déjeuner à la campagne, une chasse au faucon, l'invitation de l'enfant prodigue, l'enfant prodigue chassé par les courtisanes, l'enfant prodigue gardant les pourceaux et le retour de l'enfant prodigue.
Les autres murs sont recouverts d'une série de cinq tapisseries conçues à Bruxelles par Martin Reymbouts au tout début du XVIIème siècle. Sur ces pièces est représentée une Histoire de Jacob se développant de cette façon : départ d' Esaü pour la chasse, Isaac bénissant Jacob, songe de Jacob, Rencontre de Jacob et Rachel, départ de chez Laban.
Deux autres pièces tissées ornent également les murs de la salle. Il s'agit d'un David apprenant la mort d'Absalon de la deuxième moitié du XVIème siècle et une tapisserie d'Aubusson de la fin du XVIIème siècle figurant des jeunes gens faisant une farandole au son d'un chalumeau.

Au-dessus de l'autel est suspendue une toile du peintre Isaac Moillon réalisée par celui-ci en 1665. Elle représente une Mort de Saint-Louis traitée de façon assez sombre. Le reste du mobilier comprend une Vierge à l'Enfant assise en bois peint du XIIIème siècle, une Vierge de Pitié en calcaire de la fin du XVème siècle, plusieurs statues de saints en pierre des XVème et XVIème siècles et des bustes en marbre du XVIIIème siècle figurant des personnages célèbres.





Installé dans une pièce spécialement conçu pour le protéger, le polyptyque du Jugement dernier fut commandé par Nicolas Rolin au peintre Flamand Rogier van der Weyden. Ce brillant artiste originaire de Tournai fut choisi pour exécuter ce chef-d'oeuvre parce que le chancelier le considérait comme le meilleur artiste de l'époque depuis la mort de Jan van Eyck. Aucune archive ne nous permet de savoir à quelle date van der Weyden réalisa ce grand retable. Mentionné dans l'inventaire de 1501, on peut supposer qu'il fut exécuté entre 1445 et 1450. Originellement placé dans la chapelle de la grande salle des pauvres, il restait fermé, à l'exception des dimanches et jours fériés ou les malades pouvaient voir toute la beauté des panneaux du retable du Jugement dernier. Installé pendant un certain temps dans la salle Saint-Louis, il fut recouvert d'un badigeon durant la période révolutionnaire puis, on perdit sa trace jusqu'en 1836. A cette date, il subit une première restauration puis fut scié dans l'épaisseur entre 1875 et 1878 lors d'une nouvelle intervention faite au Louvre. De nouveau étudié dans les années 1950, il est exposé dans une salle climatisée depuis la fin des années 1970.

Constituée de neuf panneaux peints à l'huile, cette composition magistrale s'écarte des oeuvres contemporaines par ses dimensions et par sa maîtrise du sujet. Baignée dans un ciel d'or, la scène passe des profondeurs infernales à la lumière étincelante du paradis. En voyant ce retable, les malades devaient avoir à l'esprit qu'il ne devaient pas uniquement compter sur les soins du corps pour guérir mais qu'ils devaient également s'occuper de soigner leur âme pour atteindre le paradis.

Le panneau central est à moitié occupé par la figure du Christ ressuscité. Les pieds posés sur un globe céleste et assis sur un arc-en-ciel, il porte un grand manteau rouge laissant apparaitre ses plaies. De sa main droite s'échappe une fleur de lys tandis qu'à sa gauche se trouve un glaive en flamme avec l'inscription "Allez loin de moi, maudits...". En dessous, et suivant un axe horizontal, se trouve le personnage de l'archange Saint-Michel apparaissant au milieu d'un halo bleuté. Vêtu d'une robe blanche et d'un manteau de brocard aux couleurs or et rouge, il possède un visage juvénile, symbole de son immortalité, et tient une balance dans sa main droite. L'axe de celle-ci correspond au mouvement qu'effectue le Christ avec ses bras. Inversée par rapport au sens traditionnellement utilisé, elle pèse les âmes représentées par deux petits personnages nus. Celui de gauche, un genou à terre, symbolise la "Vertu" et celui de droite, qui cri de douleur, figure les "Péchés". Autour de l'archange, quatre anges de couleur rose soufflent dans des trompes.

Deux petits panneaux placés à hauteur du Christ figurent des anges portant les instruments de la Passion. Vêtus de blanc et portant la croix, la couronne d'épine, la lance et le pilori, ils forment un triangle invisible avec la figure de l'archange.
Sur les trois panneaux de gauche sont représentés la Vierge Marie implorant miséricorde pour les pêcheurs et, juste derrière elle, est assis un groupe de six apôtres accompagnés par un pape, un évêque, un roi et un moine. A leurs pieds, un ensemble de personnages dénudés sort de terre et remercie le Christ pour avoir été choisi. A côté des trous par lesquels les âmes sont sorties, poussent de nombreuses fleurs . A l'extrême gauche, un ange accueille les élus vers une construction gothique toute en or qui symbolise le paradis terrestre.

Les trois panneaux de droite forment une sorte de pendant négatif au reste du retable. Saint-Jean-Baptiste, qui forme avec le Christ et la Vierge Marie un autre triangle invisible, est accompagné par les six derniers apôtres et par trois femmes. Celle située au plus près des flammes de l'enfer pourrait bien être Marie-Madeleine. Sous les pieds de ces personnages sont représentés des hommes et des femmes nus qui évitent le regard du Christ. Le mouvement de torsion, les cris et la chute de certains d'entre eux ne laissent aucun doute sur leur destination. Le dernier panneau, qui symbolise les enfers, est particulièrement sombre. Au sommet de cette vision cauchemardesque, on aperçoit un arc-en-ciel de couleur rouge feu. Les personnages situés en dessous semblent s'entretuer au milieu des cadavres. L'absence d'une quelconque figure démoniaque (pourtant largement utilisée durant la période romane et gothique) nous montre que les hommes n'avaient plus besoin du diable pour courir à leur propre perte.




Les six panneaux situés à l'origine au revers du retable du Jugement dernier forment un contraste saisissant avec le reste du polyptyque. Les couleurs sombres et la simplicité des scènes représentées devaient décourager d'éventuels voleurs. Aux deux extrêmités de cette toile peinte par van der Weyden, on retrouve les personnages de Nicolas Rolin et de sa femme Guigonne de Salins tous deux en prière avec un livre posé devant eux. Derrière eux, des anges portent leurs armoiries respectives. Les mains des deux donateurs tournées respectivement vers le haut et vers le bas semblent indiquer la direction des deux saints placés au centre de la composition. Ces figures sont traitées en grisaille alors que les donateurs étaient en couleurs. Le trompe-l'oeil utilisé pour représenter Saint-Sébastien et Saint-Antoine nous montre que van der Weyden avait conservé des souvenirs de ses années passées dans les ateliers de sculpture à Tournai. La présence de ces deux personnages n'est pas anodine, ils étaient invoqué à l'époque pour soigner la peste et pour faire la charité. Au-dessus de cet ensemble, on decouvre une Annonciation elle aussi traitée en grisaille avec les personnages de la Vierge et de l'archange Gabriel.

Dans la même pièce se trouve une tapisserie datant du milieu du XVème siècle figurant Saint-Antoine ermite. Placé au milieu d'un fond rouge, celui-ci évolue au centre d'une composition constituée de tourterelles posées sur des branches et d'un ensemble de symbole. On y voit les armoiries de Nicolas Rolin, la devise "Seulle", les lettres N et G entrelacées et des étoiles à six branches.
L'autre pièce maîtresse de cette salle est la tenture de "mille fleurs" ornée d'une Légende de Saint-Eloy. Réalisée dans le premier quart du XVIème siècle, cette tapisserie représente une Vierge à l'enfant , Saint-Fiacre et Saint-Eloy tenant en laisse son cheval à la jambe coupé. Le tout est disposé sur un tapis de fleurs et d'oiseaux.