BUSSY-LE-GRAND (21)
Château de Bussy-Rabutin


Ce petit village tire son nom du mot latin "buxetum" qui signifie "lieu planté de buie". Outre ses origines romaines, ce petit bourg possède une belle église romane du milieu du XIIème siècle. L'existence de ce monument nous permet de dire qu'il y avait une population suffisamment importante dans les environs pour que cet édifice soit construit. A peu près vers la même période fut construite la première place forte. C'est sans nul doute le sire Renaudin de Bussy qui fit construire cette motte féodale vers la fin du XIIème siècle. De ce personnage, on sait qu'il accorda aux moines de Fontenay une partie de la dîme issue de la "grange d'Estormer" en 1174. Ses descendants, Robert et Jean, ne furent pas en reste puisqu'il firent à leur tour de nouvelles donations à l'abbaye de Fontenay en 1210 et en 1224. Eudes, quant à lui, permit la fondation du monastère des Templiers de Bure en 1228. La bonne entente qui régnait en ce début du XIIIème siècle entre les moines de Fontenay et les seigneurs de Bussy ne dura guère. Empiétant sur le territoire des barons de Bussy, les moines furent très souvent pendu à des potences par Raoul de Bussy pour avoir occupé ses terres. Pour mettre fin à ses agissements, un accord fut signé en 1300 entre les deux parties afin que ce genre d'acte ne soit plus permis, quelqu'en soient les motifs. Au cours de cette période de troubles, le château passa dans de nombreuses mains. Il fut tout d'abord dans la famille Besort puis fut acquis par Jean Mathieu de Chaussin (1257-1280), seigneur de Longwy, lors de son mariage avec Guillemette Besort, Dame de Chazeuil, de Bussy-le-Grand et de Lucenay-l'Evêque. Leur fille Agnès épousa vers 1280 Jean de Chatillon-en-Bazois, un riche seigneur Nivernais. Dans la première moitié du XIVème siècle, Bussy connu de nouveau des changements de propriétaire puisque Jean V de Chatillon meurt sans enfant.

C'est Agnès, la fille de son frère Robert de Chatillon, qui hérita du domaine et qui le transmit par mariage en 1336 à Pierre du Puiset, sire de Rochefort. Après le décès de ce dernier en 1351, elle se remaria avec Olivier de Jussy qui fut tour à tour garde et gouverneur du baillage de Dijon puis, conseiller et chambellan du duc de Bourgogne. Malgré cette deuxième noce, la terre de Bussy resta dans la famille des Rochefort. La belle descendance qu'eurent Pierre et Agnés commence avec Gui qui fut chevalier en 1377. Vint ensuite Jean, connu pour avoir été écuyer, bailli d'Auxois et, enfin, conseiller du duc de Bourgogne. Jacques, son fils, fut seigneur de Rochefort. Le fils de ce dernier, connu sous le nom de Jacques II, épousa Agnès de Cléron. Leur fils Jean fut à son tour conseiller et chambellan du duc Charles le Téméraire. Enfin, le fils de ce dernier, prénommé Antoine, épousa Louise de Girard et n'eut qu'une seule fille. Lors du mariage en 1480 de Jeanne de Rochefort avec Jean de Chandio, le domaine passa une nouvelle fois dans une autre famille. Connu tout d'abord sous le nom de Jean de Chandieu, ce personnage était, en 1495, conseiller et maître d'hôtel du roi Charles VIII. Il fut chargé de conduire jusqu'à Amboise une petite troupe d'artistes et pris son nom italien lors de son voyage dans le royaume de Naples. Mort vers 1504, il ne peut pas être l'auteur des transformations de la façade et des ailes du château. C'est à son petit-fils, Antoine de Chandio, baron de Bussy et lieutenant de la compagnie des gendarmes du chevalier Bayard, que l'on doit la reconstruction des deux ailes vers 1515-1530 dans le style Renaissance. Vendu en 1602 par le dernier des Chandio à François de Rabutin (1545-1618) pour la somme de 12300 écus, le domaine reste dans cette famille jusqu'en 1733. L'état de délabrement avancé dans lequel se trouve le château au tout début du XVIIème siècle donne l'occasion à François de Rabutin de faire des travaux important au niveau du logis principal. Réalisé avant sa mort survenu en 1618, ces travaux furent poursuivis par son fils Léonor de Bussy-Rabutin (1587-1645) et par sa femme Diane de Cugnac qui acheva les restaurations vers 1649.


Portrait de Bussy en tenue d'empereur
Château de Bussy-Rabutin
Des cinq fils qu'ils eurent ensemble, seul le célèbre comte Roger de Bussy-Rabutin (1618-1693) survécu. Ce brillant personnage reçu une très bonne éducation durant son enfance à Autun et Paris avant qu'il soit nommé premier capitaine au régiment d'infanterie de son père en août 1633. Par la suite, il fut Mestre de camp puis, lieutenant général en Nivernais en février 1646 et, enfin, Lieutenant général des armées du roi en mai 1654. Sa carrière militaire et le grand nombre de sièges auxquels il participa ne doivent pas nous faire oublier qu'il fut également un homme de cours et un ecrivain prolifique. Elu à l’Académie française en 1665, il fut l'auteur vers 1662 de "l'Histoire amoureuse des Gaules" puis, de mémoires et de lettres durant son long séjour au château de Bussy. Déjà enfermé à la Bastille pour débauche en 1659, il fut de nouveau prisonnier dans ces lieux en 1665 avant d'être contraint à l'exil en 1666. Restant sur ses terres de Bourgogne durant dix-sept ans, il s'occupa de l'embelissement intérieur du château et de la rédaction d'une Histoire généalogique de sa famille. On lui doit aussi les nombreuses lettres échangées avec sa cousine Madame de Sévigné. Autorisé à réapparaitre à la cour en 1682, il préfèra rester sur ses terres de Bourgogne où il s'éteignit en 1693. Aprés sa mort, c'est son fils Amé-Nicolas, qu'il avait eu avec Louise de Rouville, qui s'occupa du château. Mort sans enfant en 1719, le domaine passe à son frère, Michel-Celse-Roger de Bussy-Rabutin (1669-1736), évêque de Luçon, et à sa sœur Marie-Thérèse de Rabutin, veuve du marquis de Montataire.
Vendu par ces derniers en 1733 à Étienne Dagonneau de Marcilly, le château fut surtout occupé par sa femme Geneviève-Alexis de Salins car il meurt en 1738 aprés avoir occupé une place de conseiller au Parlement de Bourgogne. Entre 1747 et 1752, sa veuve recrée des douves et fait élever des ponts afin d'accèder au jardin et à la cour d'honneur. Elle consacra une part importante de sa fortune à embellir le parc. On lui doit le canal et le bassin ainsi que le parterre fleuri en terrasse. Conservé par la veuve Dagonneau jusqu'en 1790, le château fut saisi par l'état durant la tourmente révolutionnaire. Les héritiers de la famille Dagonneau ne pouvant pas racheter le domaine, celui-ci est vendu en 1818 à Jacques Dorneau. Jusqu'à sa mort survenue en 1835, il se consacra au rachat des portraits qui avaient été dispersés durant la révolution et il fit quelques restauratiosn dans le parc et sur les façades. Une nouvelle fois mises en vente, les terres de Bussy furent acheté par Jean-Baptiste-César, Comte de Sarcus (1787-1875). S'occupant sans relache durant toute sa vie à restaurer et embellir de son mieux le chateau, il fit reconstruire l'aile orientale qui avait beaucoup souffert et fit remplacer les armoiries martelées des Rabutin par celles de sa famille. Il agrémenta également le parc de nouveaux parterres et de plusieurs statues. Pour l'intérieur, il fit restaurer de nombreux tableaux et acheta des portraits en grande quantité afin de meubler la chambre de Madame de Sévigné. Protégé au titre des monuments historiques en 1862 puis classé en 1900, le château fut acheté par l'état en 1929.




Bâti en haut d'une petite butte, le château de Bussy a la forme d'un parallélogramme ayant perdu l'un de ces côtés. La suppression de cette aile au début du XVIème siècle est dûe à Antoine de Chandio. Ce dernier fit également reconstruire les deux ailes latérales dans le style de la première Renaissance Française. Entourée par des fossés remplis d'eau et pourvue d'une cour d'honneur bien dans le goût du XVIIème siècle, cette demeure est un mélange des styles Renaissance et classique.
Les tours du couchant et du Nord qui entourent la façade arrière sont placées en saillie et furent coiffées d'un toit en poivrière. Au centre, la façade donnant sur les jardins est dépourvue d'ornementation. Recouverte d'un simple enduit, celle-ci s'éléve sur deux niveaux auxquels il faut ajouté l'étage des combles. L'ensemble est percé de fenêtres et de lucarnes pour la toiture.
En arrivant dans la cour d'honneur, on constate que la sobriété qui était de mise pour la façade arrière à laissée place à une décoration riche et variée. Pour le corps de logis terminé vers 1649, cette ornementation se traduit principalement par un rez-de-chaussée ayant des pilastres d'ordre ionique et un premier étage possédant des colonnes corinthiennes. L'ensemble fait penser au chateau d'Ancy-le-Franc pour la superposition des ordres et au château de Cheverny pour les niches (qui sont ici malheureusement dépourvues de sculpture). Au rez-de-chaussée, ces niches auraient dû contenir des statues et le premier auraient dû être orné de bustes qui ne furent jamais réalisé faute de moyen financier suffisant. La nudité sculpturale de la façade est compensée par les cartouches qui entourent ces niches et par l'alternance de frontons triangulaires et semi-circulaires qui surmontent les fenêtres du premier étage. Le troisième niveau est occupé par une immense toiture en ardoise et par de hautes lucarnes qui reprennent la même alternance de fronton mais au sommet desquels furent ajoutés des pots à feu. L'avant corps central est précédé d'un perron et contient la porte d'entrée et une fenêtre que nous verrons plus en détail.
Les deux ailes placées en retour de la façade principale furent conçu par Antoine de Chandio dans les années 1515- 1530. S'élevant elles aussi sur deux étages, ces ailes sont munies de galeries à cinq arcades pour le rez-de-chaussée et par des rangées de fenêtres pour le premier. L'ensemble est terminé par deux grosses tours de plan circulaire qui semblent dater d'une période antérieure. Celle du levant (à droite), abritait le donjon, celle du midi abrite toujours la chapelle. Elle est facilement repérable grâce à ses petites baies trêflées percées au niveau du premier étage. Les toitures sont surmontées de petits lanternons en ardoise.




L'avant corps légèrement saillant de la façade principale s'élève sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée est occupé par la porte d'entrée et par deux niches placées de part et d'autre. De formes allongées, ces niches sont encadrées par quatre colonnes ioniques entourées de lauriers qui supportent un fronton triangulaire brisé. Au centre de ce fronton prennent place depuis le milieu du XIXème siècle, les armes du comte de Sarcus qui les fit graver en remplacement de celles du comte de Bussy-Rabutin martelées durant la révolution. Ces armoiries sont les suivantes :
"de gueules au sautoir d'argent accompagné de quatre merlette de même, le tout tenue par deux anges et surmonté par une couronne de marquis."
Au premiere étage est placée une fenêtre surmontée par un fronton semi-circulaire et encadrée par deux niches ovoïdales. Des cartouches et des pilastres corinthiens encadrent ces niches sur tous ses côtés. Au niveau de la toiture, la haut lucarne est encadrée par un fronton semi-circulaire brisé qui prend appui sur les mouluratiosn de la fenêtre.

Les deux ailes construites durant la première Renaissance sont ouvertes au rez-de-chaussée et disposent de galeries à cinq arcades en anse de panier. Les piliers de séparation remontent jusqu'au niveau de la frise d'appui et semblent même se prolonger jusqu'à la toiture puisqu'on les retrouve au niveau des baies du premier. Sur ces pilastres sont représentés des disques et creux tandis que des chapiteaux corinthiens sont placés au sommet de ceux du premier. La frise, que l'on retrouve à l'entre sol et sous la toiture, est constituée de rinceaux sculptés en léger relief et de motifs divers comme des blasons, des colliers, des animaux ou des grappes de raisin.
Les façades donnant sur le parc et les jardins sont dépourvues d'ornementation. Le seul intérêt réside dans les quatre grosses tours rondes qui sont placées aux extrêmités de ces ailes. Les aménagements successifs et les restaurations du milieu du XIXème siècle ne nous permettent pratiquement plus de voir les arcatures extérieures qu'avait fait construire Antoine de Chandio durant la Renaissance.





Réalisés en grande partie par Geneviève-Alexis de Salins entre 1747 et 1752, le parc et les jardins en terrasse furent en partie restaurés au XIXème siècle par le comte de Sarcus. Le pont, qui enjambe le fossé mis en eau, communique directement avec le parterre central. Au centre de celui-ci prend place un bassin circulaire possédant un jet d'eau. Les quatre massifs de futaies qui encadrent le bassin ont leurs angles écornés afin de permettre l'installation de campanile à double coupole d'inspiration antique. Deux autres parterres de futaies taillées sont placés aux extrêmités Nord et Ouest du jardin. De dimensions différentes, ces deux petits parterres sont agrémentés de statues mythologiques. Celle figurant Junon est dûe aux ciseaux de Jean Dubois (1626-1694). De ce même artiste, on peut voir une copie en pierre du célèbre Enlèvement de Proserpine réalisé par Bouchardon. La deuxième, représentant Cybèle, fut sculpté par Claude-François Attiret (1728-1804). Ce sculpteur Dolois est également l'auteur d'un Jupiter lançant la foudre que l'on peut voir dans un autre point du parc. L'extrêmité des jardins est prolongée par un canal qui s'étire au milieu d'une pelouse et d'un potager.


L'intérieur du château fut décoré et meublé par le comte Roger de Bussy-Rabutin durant son long exil qui dura de 1666 à 1682. Voulant recréer une sorte de condensé de la cour, il fit réaliser une multitude de portraits de rois, de membres de sa famille et même de grands capitaines de son temps.
La première salle située au rez-de-chaussée est appelée salle des devises car elle est presque entièrement recouverte de devises écrites par Bussy-Rabutin. Il fit peindre également un ensemble de tableau figurant les châteaux royaux et s'employa à faire des devises contre Madame de Montgals qu'il n'aimait pas. Outre ces peintures et ces devises, cette salle est ornée d'une belle cheminée et ses murs sont recouverts de boiseries.
Une fois monté l'escalier, on atteint le salon des grands hommes de guerre que l'on nomme également salle de billard. Dans cette salle sont représentés les portraits de soixante-cinq hommes de guerre depuis Du Guesclin jusqu'à Bussy-Rabutin en passant par Coligny ou Turenne. Le plafond est soutenu par deux poutres moulurées à solives cannelées portant une frise peinte.
La chambre Sévigné qui se trouve dans le prolongement de la salle du Billard est appelée ainsi parce qu'elle contient un portrait de la célèbre marquise. Il se peut aussi qu'elle logea dans cette chambre lors de ses visites à son cousin. Quoiqu'il en soit, cette pièce est ornée de vingt-six portraits de femmes. On y voit les maîtresses des rois de france et les amies chères au coeur de Bussy-Rabutin. Dans l'un des angles est installé un lit doré et sculpté sur fond blanc.
La petite chambre qui suit est ornée d'un ensemble de peintures, de bas-reliefs, de dessins, de sculptures et de pastels exécutés par des artistes du XVIIème et XVIIIème siècle. On y découvre, entre autre, un dessin de Greuze figurant une jeune fille et une peinture de Mignard représentant une Vierge à l'Enfant.
Ensuite, la visite se poursuit par un petit cabinet orné de portrait d'hommes et de femmes illustres, principalement du siècle de Louis XIV et Louis XV. Cette petite pièce communique avec le salon de la tour dorée qui est occupée par les maximes d'amour et par des portraits d'hommes illustres. On y voit également des personnages mythologiques liés à l'amour comme Pygmalion, l'enlèvement d'Europe ou Vénus et Adonis.
La salle suivante est occupée par la bibliothèque sur les murs de laquelle sont représentés des portraits des rois de France, des ducs de Bourgogne et leurs femmes. Les autres murs de la pièce sont occupés par des portraits d'hommes illustres comme Michel de l'Hospital, Descartes ou Benjamin Franklin, et par des portraits de la famille des Rabutin.
La chapelle qui occupe la dernière tour est agrémentée par deux tableaux de Poussin : le frappement du rocher et le buisson ardent. On y voit aussi un tableau de Murillo figurant Saint-Jacques de Compostelle agenouillé et une Vierge à l'Enfant d'Andréa del Sarto.