THURET (63)
Eglise Saint-Martin


Occupées depuis l'époque préhistorique, les terres sur lesquelles fut édifié le petit village de Thuret attirèrent les romains qui y construisirent plusieurs villas. Connu à cette époque sous le nom de Turiacum, le village se développa par la suite grâce aux terres fertiles de Limagne sur lesquelles il est implanté. Mentionné en 764 dans la Vicaria Turiacensis (vicairie de Thuret) de Pépin le Bref, le petit village devait avoir déjà une certaine importance pour avoir été noté sur cette charte.Construite en deux campagnes s'étalant sur les XIème et XIIème siècles (nef et bas-côtés vers 1070-1090, transept et choeur dans la seconde moitié du XIIème siècle), l'église dépendait au XIIème siècle de l'abbaye Saint-Alyre de Clermont. Placés tout d'abord sous le patronnage de Saint-Limin, (martyre Auvergnat décapité vers 257), les prieures de l'église reçurent, en 1311, le chef de ce saint (le reste du corps resta dans l'abbaye Saint-Alyre de Clermont).



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Par la suite, l'église fut placé sous le vocable de Saint-Martin et subit quelques modifications au XVème siècle après que la voûte de la nef se soit écroulé. Reconstruite peu de temps après, elle présente de nos jours une voûte sur croisée d'ogive de style gothique. Refaisant une partie du mobilier et la statuaire au XVIIème siècle (notamment l'antique Vierge noire d'époque romane), les prieures de Saint-Alyre furent chassés en 1789 par les révolutionnaires qui saccagèrent une partie de l'édifice. C'est durant cette période que le clocher fut privé de son deuxième étage et de sa couverture. Repris par Mallay en 1862 (flèche, tour d'accès et étages en pierre de lave), l'édifice subit également quelques modifications en 1868. Mallay restaura à cette occasion la nef et les bas-côtés. Subissant quelques modifications au début du XXème siècle, l'église Saint-Martin est, de nos jours, l'une des plus pittoresques de Limagne.




Reprenant le plan intérieur (nef plus haute que les bas-côtés), la façade principale est percée de trois fenêtres plein cintre et d'un portail. L'archivolte en plein cintre de ce dernier est soutenue par un ensemble de quatre chapiteaux retombant sur des colonnes. Les sculptures de ces chapiteaux sont de facture assez archaïque. Celles de gauche représentent "deux personnages dans des ceps" (à moins qu'il ne s'agisse d'une représentation du Péché Originel ?) et un atlante avec d'autre personnages plus petits (il pourrait s'agir également d'une danse avec des acrobates). L'identification assez difficile des chapiteaux du côté gauche est compensée par la lecture facile de ceux de droite. On retrouve en effet de superbes feuilles d'acanthe et des oiseaux (peut-être des griffons) aux ailes déployées.




Le flanc droit, d'une longueur de quatre travées, est constitué de deux étages couverts chacun par une toiture indépendante. Les modillons placés sous cette couverture sont, pour la plupart, à copeaux. Néanmoins, au niveau de la porte latérale, on peut voir un superbe modillon figurant un acrobate renversé tenant dans ses mains un miroir (symbole de la vanité humaine et de l'examen de conscience que devait faire chaque fidèle avant de rentrer dans l'église).
Placé dans la troisième travée, le portail latéral est orné d'un très beau linteau en batière et de deux chapiteaux à feuillages retombant sur des colonnes. Sur ce linteau figure le Christ en majesté dans une mandorle soutenue par les archanges Saint-Michel et Gabriel. Le Christ, assis sur son trône, tient de la main gauche le Livre fermé sur lequel sont inscrits l'Alpha et l'Oméga (le début et la fin de tout). De la main droite légèrement levée, il bénit en tendant le majeur et l'index. Sa robe, aux plissés remarquables, tombe jusqu'aux pieds mais laisse apparaître son nombril. Les deux anges qui soutiennent la mandorle ont les ailes déployées. Leurs bras excessivement long ssemblent vraiment disproportionnés par rapport au reste du corps.




Le chevet, datant de la seconde partie du XIIème siècle, est constitué d'une abside semi-circulaire et de deux absidioles de dimension plus réduite. Percé de fenêtres cintrées (trois pour l'abside et une pour chaque absidiole), l'ensemble est décoré d'un cordon de billettes courant sur tout le chevet. La décoration est constituée de modillons à copeaux et de quelques modillons animaliés (notamment un curieux cochon tenant une pomme dans sa bouche). Les chapiteaux surmontant les colonnes sont sculptés de motifs de toutes sortes. Sur l'un d'entre eux figurent deux griffons buvant dans le même calice.
Le transept, légèrement saillant, est épaulé sur l'un des bras par une tour datant du XIXème siècle qui permet d'accéder au clocher. Celui-ci, datant en partie du XIIème siècle, fut refait dans sa partie supérieure par Mallay en 1862. De plan octogonal à deux étages, il est orné d'arcatures aveugles pour la partie basse et de baies jumelées pour la partie haute. Cette dernière, en pierre de Volvic, est surmontée d'une couverture en tuile formant une légère pente.




A l'intérieur, la nef de quatre travée est surmonté d'une voute d'ogive quadripartite datant du XVeme siècle. Les bas-cotés vouté en berceau soutiennent la poussé de l'ensemble. L'éclairage est diffusé par des fenêtres placé dans les murs des bas-cotés et dans la nef. Soutenant la voute, les piliers sont cantonnés sur trois cotés par des colonnes aux sommet desquelles sont placés des chapiteaux sculptés.
La croisée du transept est surmontée par une coupole soutenue par des arcs diaphragmes et refaite au XIXème siècle. Le choeur, voûté en cul de four, est éclairé par trois fenêtres cintrées. Autour de celles-ci se déploie un jeu d'arcatures aveugles composé de colonnettes et de chapiteaux sculptés.




L'ensemble des chapiteaux qui ornent la nef, le transept et le choeur datent des XIème et XIIème siècle. De facture assez frustre voir, même, simpliste, ils adaptent de façon campagnarde les grands thèmes religieux du moyen-âge. Reprenant des sujets comme le "Péché Originel" ou "Daniel dans la fosse aux lions", les sculpteurs de Thuret devaient bien connaître les styles académiques des grandes villes comme Clermont pour effectuer leur travail. Cependant, ils réalisèrent des oeuvres aux modes d'expression bien plus libres pour permettre aux communautés rurales de comprendre pleinement les messages diffusés dans la bible.

Parmi les 64 chapiteaux que compte l'édifice, il est nécessaire d'en mentionner un certain nombre dont voici la liste et le détail :
- Le Péché Originel (Adam et Eve, aux corps et aux tête traités de façon sommaire, son séparés par un pommier autour duquel s'enroule le serpent tentateur)
- Daniel dans la fosse aux Lions (daniel caressant le fauve s'apprête à détacher un autre condamné)
- Le singe cordé (l'animal de très grandes dimension est attaché à une corde reliée au sol)
- Les donateurs ou le mariage (un masque crachant des volutes avec une femme élégante et un homme séparé par une colonne).

Les autres chapiteaux, moins savants que ces derniers, montrent "deux griffons buvant dans le même calice", "un héron tenant dans son bec un serpent", "un porteur de mouton", "des masques avec des feuilles sortant des oreilles" et "une chouette se tenant sur des feuilles".