SAINT-NECTAIRE (63)
Eglise Notre-Dame du Mont Cornadore


Occupé depuis l'époque Celtique, le site du Mont Cornadore fut probablement choisi pour ses eaux alcalines. La présence de nombreuses grottes préhistoriques et d'un dolmen en son sommet accréditent l'existance d'un culte païen dirigé par quelques druides. Encore actif au cours de l'occupation romaine, ce culte perdit peu à peu de sa vigueur lors de l'évangélisation de l'Auvergne. Cette campagne de propagation de la foi fut menée par Saint-Austremoine au milieu du IIIème siècle. D'après la légende, il serait parti de Rome en 253 avec plusieurs de ses disciples afin de christianiser la région. Accompagné dans sa tache par Nectarus, Baudenius et Auditor, il se consacra aux villes de Clermont-Ferrand et d'Issoire alors que ses trois compagnons s'occupèrent de la zone du Mont Dore. Plus connus sous les noms de Saint-Nectaire, Saint-Baudime et Saint-Auditeur, ils durent affronter une forte résistance sur le Mont Cornadore qui était le lieu où résidait la divinité du "Chêne Irminsul". Toujours d'aprés la légende, Saint-Nectaire réussit enfin à christianiser la région en ressuscitant un gallo-romain du nom de Bradulus. Le cortège funéraire de celui-ci passait en effet juste à côté de l'endroit où Saint-Nectaire annonçait l'Evangile. Les gens du cortège l'implorèrent de faire quelque chose. Il prit le bras du mort et lui ordonna de se lever. Après ce miracle, l'ensemble de la population se convertit et Saint-Nectaire fit construire une première église pour baptiser les nouveaux croyants. Apres sa mort, son tombeau fut placé dans l'église qu'il avait bâti et un culte commença à se répendre dans la région. Par la suite, ses deux compagnons (Saint-Baudime et Saint-Auditeur) furent ensevelis à ses cotés dans l'église.



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Même si l'on sait que les trois tombeaux furent le point de départ d'un pélerinage, on ne sait absolument rien sur la période allant de la mort des trois saints (fin du IIIème siècle) jusqu'au milieu du XIIème siècle. Les diverses fouilles nous permettent de savoir qu'un village fut construit autour d'un lieu de culte mais l'on ne connait rien sur l'église et sur les moines qui y vivaient. Ni Grégoire de Tours, ni Sidoine Appolinaire ne nous renseignent sur l'évolution de ce lieu saint à ses débuts. La période carolingienne est elle aussi muette sur ce sujet. Les premiers textes à parler de Saint-Nectaire date du XIème siècle et racontent en fait la vie du saint dans un livre connu sous le nom de "IIIème vie de Saint-Austremoine".
Il faut attendre le milieu du XIIème siècle pour apprendre enfin quelque chose sur la fondation de l'église. On sait en effet par une bulle du pape Alexandre III daté de 1178 que l'église de Saint-Nectaire fait partie des biens de l'abbaye de la Chaise-Dieu. Celle-ci reçu, des mains du comte Guillaume VII d'Auvergne, les terrains situées à Saint-Nectaire à une date comprise entre 1146 et 1178. Guillaume VII, qui avait déja fait don des terres d'Orcival à la même abbaye, servit une nouvelle fois de généreux donateur. Construisant une église sur les tombeaux présumés des trois saints fondateur, les moines de l'abbaye de la Chaise-Dieu mirent vraissemblablement moins d'une trentaine d'années pour construire cet édifice dans le plus pur style roman auvergnat. Elevé durant la seconde moitié du XIIème siècle grâce à la générosité des pélerins, l'église fit appel à la même époque à de brillants artistes qui réalisèrent la statue de la vierge en majesté du Mont Cornadore ainsi que le buste reliquaire de Saint-Baudime contenant les ossements présumés du saint. Executé à l'extrême fin du XVème siècle, le bras reliquaire de Saint-Nectaire complèta cette collection d'objets précieux. Abritées dans le bras droit du transept, ces trois pièces sont conservées dans un maitre-autel exécuté en 1498 par le sculpteur Pierre Brassac. Echappant de peu à la fonte et à la destruction durant la période révolutionnaire, ces objets de cultes trouvèrent refuge chez une habitante du village. Subissant un sort moins avantageux que les pièces d'orfèvreries, le clocher fut entièrement détruit en 1794. Reconstruit par l'architecte Louis Clémentin Bruyerre entre 1875 et 1876, le clocher fut remonté sur le modèle de celui de l'église de Saint-Saturnin. S'occupant également de la restauration de l'édifice et des deux tours de la façade principale, Bruyerre fut la dernière personne à effectuer des travaux d'une telle ampleur sur l'édifice.




Elevé au sommet du Mont-Cornadore, l'édifice est tout entier construit dans de la trachyte de couleur gris clair. D'une grande simplicité, la façade occidentale est percée d'une large porte et est surmontée par deux tours refaites à la fin du XIXème siècle par l'architecte Bruyerre. Ces deux tours, de largeur différente, sont percées de baies jumelles. Celle de droite possède une fine colonnette alors que l'autre n'en a pas.

Les flancs longs de quatre travées sont installés entre le narthex et le transept saillant. S'élevant sur deux niveaux, ces flancs sont ornés de grandes arcades aveugles pour le premier étage. Ces grandes arcades sont percées de petites fenêtres surmontées d'un cordon de billettes. Le deuxième étage, plus étroit, est agrémenté d'un ensemble d'arcatures aveugles. Réunies par trois, ces arcatures sont décorées de colonettes et de chapiteaux sculptés. Les joints d'arcatures, d'une grande blancheur, forment un contraste saisissant avec la couleur tràs sombre de la pierre. Au-dessus, un ensemble de modillons à copeaux sculptés font la liaison avec une toiture faite de lauze.




Presque totalement dépourvu de décor, le transept saillant est percé d'une fenêtre haute et voit son pignon orné d'un motif polychrome fait de damiers et d'une rosace de couleur blanche et noire.
Au-dessus, le clocher refait dans le seconde moitié du XIXème siècle est constitué de deux étages de plan octogonal. Imitant celle de l'église de Saint-Saturnin, cette tour-lanterne est percée d'un ensemble de baies jumelles décorées de colonnettes et de chapiteaux. La toiture, de plan incliné, est elle aussi couverte de lauze. Elle repose sur un ensemble de modillons à copeaux.




Remarquablement bien conçu, le chevet, du plus pur style roman auvergnat, est constitué de trois chapelles s'organisant autour d'une abside centrale. Fermant cet ensemble, les bras du transespt sont précédés par des petites chapelles placées dans le prolongement du chevet. Chacune des chapelles du chevet est percée de fenêtres cintrées séparées les unes des autres par des piliers engagés. Entre chaque chapelle est également placée une grande fenêtre cintrée qui vient aérer l'ensemble du chevet. Dépourvu de chapiteaux, celui-ci est orné d'un cordon de billette qui court sur la partie supérieure des fenêtres et d'un ensemble de modillons à copeaux.
Au-dessus, l'abside est percée par de minuscule fenêtres cintrées. La décoration y est beaucoup plus abondante que pour la partie basse du chevet. On y trouve un ensemble de rosaces polychromes, un réseau d'arcatures aveugles fait de chapiteaux et de fines colonnettes et, enfin, de superbes modillons à copeaux.




Une fois passé la porte d'entrée, on a la surprise de découvrir un narthex surmonté d'une tribune constituée d'arcatures. Au nombre de trois, celles-ci sont portées par des colonnes et des chapiteaux finement sculptés.
Se développant à partir du narthex, la nef est longue de quatre travées. Epaulée par des bas-côtés voûtés d'arêtes sur doubleaux, la nef est éclairée par un ensemble de fenêtres placées dans les bas-côtés. S'élevant sur deux niveaux, la nef est surmontée d'une voûte en berceau cintrée retombant sur de grandes colonnes. Ces dernières forment de grandes arcades et soutiennent des tribunes constituées de baies jumelées.
La croisée du transept est surmontée d'une coupole sur trompe reposant sur des arcs diaphragmes ajourés. De chaque côté de la croisée, les bras du transept sont terminés par des murs aux décors caractéristiques de l'architecture romane auvergnate. Ils sont en effet composés de deux arcs cintrés séparés par un arc en mitre. Au-dessus, la voûte en demi-berceau ouvre sur des absidioles.




Le choeur en cul-de-four est percé de trois baies cintrées placées dans les arcatures aveugles du second niveau. Formé d'une travée droite terminée par six colonnes aux chapiteaux polychromes historiés, le choeur est ceinturé par un déambulatoire à voûte pénétrante. Autour de ce déambulatoire se déploient trois chapelles rayonnantes de plan semi-circulaire éclairées chacunes d'entre elles par trois fenêtres cintrées.




La richesse et le grand nombre de sculptures laissent à penser qu'un atelier proche de ceux de Notre-Dame du Port et de Saint-Julien de Brioude travailla à l'éxecution des chapiteaux du transept et, surtout, du choeur. La nef, ornée de simples chapiteaux à feuillages, offre un contraste saisissant avec les six magnifiques chapiteaux historiés du choeur. Les thèmes abordés pour ces derniers sont à la fois classiques et logiques pour un sanctuaire comme celui-ci. Les sculpteurs y retracèrent la vie du Christ, de Saint-Nectaire, le Jugement Dernier et l'Apocalypse.

Le premier chapiteau, en partant de la gauche du choeur, relate "LA PASSION DU CHRIST" :
- le premier côté montre l'arrestation de Jésus (le Christ est embrassé par Judas et soigne un soldat blessé)
- le deuxième montre la flagellation (Jésus attaché à une colonne est fouetté par deux soldats en armure médiévale)
- le troisième montre le portement de Croix (le Christ portant sa Croix est poussé et frappé par un soldat)
- enfin, le quatrième montre l'Incrédulité de Thomas (saint-Thomas touche les aisselles du Christ pour voir si celui-ci est vivant).

Le deuxième est consacré à "LA TRANSFIGURATION ET A LA MULTIPLICATION DES PAINS" :
- les deux premèeres faces racontent la Transfiguration (portant des phylactères, Moîse et Elie encadrent le christ)
- le troisième côté montre Ranulfo tiraillé entre le bien et le mal (accroché à un pilier, ce mystérieux personnage a le poignet tenu par un ange et la chevelure tirée par un homme casqué)
- sur le dernier côté est représenté la multiplication des pains (Jésus et ses disciples se tiennent derrière une table regorgeant de pain et de poissons)

Le troisième raconte "LA VIE DE SAINT-NECTAIRE" :
-sur le premier côté est figuré la résurrection d'un mort par Saint-Nectaire (Saint-Nectaire accroupi ressuscite un mort. A l'arrière plan est sculpté, de façon assez fidèle, l'église de Saint-Nectaire)
- le deuxième côté montre le passage du Tibre (le saint oblige le diable à lui faire franchir le fleuve sous le regard d'un ange)
- le troisième côté montre la prédication de Saint-Nectaire (le saint prèche les évangiles devant plusieurs personnes)
- le quatrième montre la résurrection de Bradulus (le saint ordonne à Bradulus de se lever de son tombeau en le touchant avec sa croix)




Le quatrième chapiteau parle de "L'APOCALYPSE" :
- le premier côté montre l'Ange
- sur le deuxième côté est représenté le Cavalier de l'Apocalypse
- sur le troisème figure l'Ange frappant le Cavalier de ses coups
- sur le dernier est sculpté la résurrection des élus

Le cinquième chapiteau aborde le thème du "JUGEMENT DERNIER" :
- le premier côté est consacré aux élus
- le deuxième montre le jugement rendu par deux anges sonnant de l'olifant et déroulant des pylactères
- le troisième montre un ensemble de damnés
- le quatrième montre la Croix du Rédempteur

Le sixième et dernier chapiteau raconte "LA RESURRECTION DU CHRIST" :
- le premier côté est entièrement consacré au Tombeau (celui-ci ressemble à une église avec ses arcades et son clocher)
- le deuxième côté montre les soldats endormis (vêtus de cote de maille et de casque, ils s'appuyent sur leurs lances)
- le troisième raconte la descente du Christ aux limbes
- le dernier côté montre les Saintes Femmes (portant les pots pour l'embaumement, elles ouvrent le tombeau vide du Christ)




Même si les chapiteaux de la nef, du narthex et du déambulatoire sont moins importants que ceux du choeur, il n'en demeure pas moins fort intéressant du point de vue stylistique. Répartis en deux catégories, ils abordent des thèmes inspirés de la Bible et d'autres, plus païens, où les animaux dominent la composition. La première catégorie, plutôt présente dans la nef, nous montre des sujets aussi divers que La Tentation du Christ , Moïse sauvé des eaux (celui-ci est sorti de la gueule d'un crocodile du Nil), l'Histoire de Zachée (on le voit perché sur un arbre pour voir passer le Christ) ou encore La Lutte des bons et des mauvais anges.
La deuxième catégorie de chapiteaux, essentiellement concentrée dans le narthex et le déambulatoire, sont souvent porteurs d'animaux. Ces sculptures, souvent assez éloignées de la réalité anatomique, étaient faites dans un but moralisateur. Empruntant le style antique et l'adaptant au goût du moyen-âge, les artistes auvergnats réalisèrent souvent les mêmes sujets. L'église de Saint-Nectaire n'échappe pas à la règle, on retrouve des sculptures comme l'âne à la lyre (symbolisant la bétise), le singe en laisse, les bergers porteurs de moutons, les Victoires aux boucliers, des personnages sur une bête sauvage.




Installé dans le bras gauche du transept, le trésor de l'église compte plusieurs pièces absolument magnifiques. Placé dans un maître autel du XVème siècle, il est principalement connu pour son buste reliquaire et sa statue de Notre-Dame qui datent tous les deux de la seconde moitié du XIIème siècle.
En bois recouvert de lame de cuivre doré, le buste reliquaire de Saint-Baudime est une oeuvre d'environ 73 cm de haut. Conçu dans du noyer, il fut recouvert de fines lames de cuivre doré et repoussé de cabochons et de cornes. La fixité du regard est dûe à la corne utilisée pour les yeux. Les cabochons furent utlisés pour les boutons de la chasuble. Le travail remarquable effectué pour le visage et, surtout, pour la barbe finement poinçonnée montrent à quel point l'artiste qui réalisa ce chef-d'oeuvre devait être un artisan de talent. Portant une chasuble, le personnage de Saint-Baudime bénit de sa main droite légèrement levée tandis que l'autre tient un étui. Ce reliquaire, de nos jours vidé de son contenu, aurait abrité les ossements de Saint-Baudime, compagnon de Saint-Nectaire.

La statue de la Vierge en Majesté du Mont Cornadore date elle aussi de la seconde moitié du XIIème siècle. Réalisée en bois marouflé et recouvert d'une polychromie au XVème siècle, cette statue de Notre-Dame tient l'enfant Jésus sur ses genoux. Les mains de la Vierge placées le long du corps semblent à peine retenir l'enfant qui tient dans ses mains les Evangiles.

La dernière pièce importante du trésor est le bras reliquaire de Saint-Nectaire en argent repoussé. Datant du XVème siècle, cette pièce en laiton et argent laisse apparaître des ossements à travers une vitre placée au milieu du bras. Cet objet, d'une hauteur de 36 cm, est malheureusement mutilé car deux doigts ont disparu.