ISSOIRE (63)
Eglise abbatiale Saint-Austremoine
Cette ville est connue grâce aux textes de Grégoire de Tours sous le nom de Isiodorensis, qui est un dérivé de deux mots latins signifiant lieux 'Ysio" et rivière "Dorum" (ce qui semble assez exacte lorsque l'on voit la multitude de canaux qui sillonnent le centre ville). Pour ce qui est des origines de la commune, il semblerait qu'elle ait été occupé dès l'époque Gallo-Romaine. De récentes fouilles archéologiques, menées sur la bute qui supporte l'abbatiale et sur la rive droite de la Couze Pavin, semblent attester cette hypothèse (découverte sur les lieux de pièces de monnaie, de vases funéraires et d'urnes gauloises).
Comme une grande partie de l'Auvergne, la région d'Issoire fût évangelisée vers le milieu du IIIème siècle. Afin d'établir une structure permettant aux nouveaux convertis d'exercer leur foi, un groupe d'évêques parti de Rome vers 253. Parmi ceux-ci se trouvait Saint-Austremoine (Stremonius en latin),. Celui-ci fût rapidement nommé évêque de Clermont par l'empereur Dece. Etabli pendant 36 ans dans la capitale Arverne, il voulu se retirer dans la ville d'Issoire afin d'y finir sa vie en hermite. Construisant un monastère pour lui et les siens, il fût assassiné vers le tout début du IVème siècle pour avoir converti le fils du gouverneur de la ville. En partie détruit durant un raide Wisigothique en 478, le monastère tombe dans l'oubli jusqu'a ce qu'un miracle se produise au cours du VIème siècle sous l'évêque Cautinus. Comme le raconte Grégoire de Tours dans son histoire des saints, c'est sous l'évêché de Cautinus (entre 551 et 571) qu'une nuit, celui-ci entendit chanter des hommes vétus de blanc autour du tombeau de Saint-Austremoine. Légende ou réalité, le doute subsiste car, comme le souligne Grégoire de Tours, l'évêque Cautinus était réputé pour être un ivrogne et un avare.
Quoiqu'il en soit, c'est à partir de cette époque que les pélerins commencèrent à affluer et que l'argent commença à rentrer dans les caisses. Suscitant la convoitise des églises les plus proches, les reliques du saint furent tout d'abord transportées à l'église de Volvic au début du VIIème siècle puis, elles furent transferées à l'abbaye de Mozac vers 848 par Pépin II roi d'Aquitaine. Déjà malmenées à deux reprises, les reliques du saint le furent une nouvelle fois puisque le crâne d'Austremoine fût ramené à Issoire par l'abbé Gislerbertus au IXème siècle. Cet homme, qui faisait partie d'une communauté de moines originaires de Charroux (Vienne), était venu s'installer à Saint-Yvoine en 816 afin de fuire les invasions normandes. Se rendant à Issoire pour des raisons inconnues, ce Gislebert décida de reconstruire entièrement l'abbaye et d'y installer sa communauté de moine. Terminée en 937, cette nouvelle église du premier style roman fût consacrée par Bernard, évêque de Clermont.
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Au cours des deux siècles suivants, l'abbaye s'enrichie de façon considérable. Les dons que firent les pélerins furent tels que, au cours de la première moitié du XIIème siècle, les moines décidèrent de reconstruire l'église dans le style roman Auvergnat. Terminé probablement vers 1140, ce nouvel édifice, de dimension bien plus considérable, réutilisa l'ancien transept de l'église primitive afin de s'en servir comme narthex. Passant le XIIIème et le XIVème siècle sans aucun souci, l'abbatiale dû réduire son train de vie au XVème siècle. Ce manque d'argent entraina la réduction du nombre de moines qui ne furent plus que 20 en 1462. Retrouvant un peu de sa superbe grâce à l'argent du cardinal Antoine Bohier qui était originaire de la ville, l'abbatiale fût pourvu d'un nouveau cloïtre de style gothique en 1515.
Cette période d'accalmie et de renouveau fût malheureusement de courte durée car les troubles liés aux guerres de religion contribuèrent grandement au déclin de l'église. Déclin en grande partie imputable au capitaine protestant Matthieu Merle qui s'empara de la ville le 15 octobre 1575. Outre les moines qu'il fit massacrer, celui-ci saccagit l'église, brûla le mobilier et tenta sans succés de détruire l'abbatiale en mettant le feu à l'un des piliers de la crypte. Furieux de son échec, il détruisit les archives et fit écorcher vif trois nouveaux moines. Contraint de laisser la ville au marquis de Chavagnac après la paix signée par le roi Henri III en 1576, le capitaine Merle repris le commandement de la ville jusqu'en Juin 1577. A cette date, les armées royales vinrent mettre le siège devant Issoire et finirent par brûler une bonne partie de la commune afin de faire capituler Merle et ses hommes. Comme un malheur n'arrive jamais seul, le 10 Juin de la même année, la flèche, le clocher et l'étage supérieur de l'église fûrent détruits par un violent orage.
Bien que les travaux de reconstruction de la ville ait débuté dès 1578, il fallut attendre 1665 pour que la réforme de la Congrégation de Saint-Maur introduite par l'abbé Martial Chanut permette de refaire les stalles et de reconstruire la demeure abbatiale. Le peu de travaux entrepris au XVIIIème siècle fût anéanti durant la révolution qui fit détruire les tours et les bâtiments monastiques afin de "déchristianiser" la ville. Classé monument historique en 1835, l'église est restaurée par les architectes Mallay et Bravard entre 1835 et 1849. Durant cette période de travaux, ils retrouvent la nef d'origine lors de fouilles (1837), refont le bras sud du transept (1840), restaurent la façade du narthex en la surmontant d'une tour (1845), remontent le clocher de la croisée du transept (1847) et reconstruisent l'absidiole du croisillon Sud (1849). Quelques années plus tard (entre 1857 et 1860), des travaux de peinture intérieure sont confiés à Anatole Dauvergne qui surcharge les piliers et les chapiteaux de couleurs dans les tons rouges et bruns. Très contestées en leur temps, ces peintures sont toujours visibles à l'heure actuelle.
La façade occidentale que l'on voit aujourd'hui ne correspond en rien à ce qu'elle était avant les restaurations effectuées par Mallay en 1845. L'ajout d'une tour carrée à deux étages de style néo-roman modifie grandement la physionomie de l'ensemble. Il faut dire que, avant d'adjoindre cet élément bien dans le goût du XIXème siècle, l'austère façade carolingienne du Xème siècle n'était munie que de trois portails voussurés surmontés par des petites ouvertures dans la partie supérieure. Même si ce clocher est discutable, il permit aux architectes de découvrir les fondations de cinq travées de la nef lors de fouilles réalisées en 1837.
Cet élément qui, il faut le rappeler, était le transept de l'église carolingienne avant de devenir le narthex de l'abbatial du XIIème siècle, est suivi par une nef à sept travées visibles sur les flancs nord et sud de l'extérieur. Ces façades latérales sont composées de grandes arcades surmontées d'une série de petites arcatures aveugles qui coïncident avec les tribunes intérieures. Les colonnettes qui séparent ces arcatures sont décorées par des chapiteaux sculptés d'entrelacs et de feuillages.
Les murs gauches et droit du transept sont constitués de trois étages. Le premier a deux grandes arcatures, le suivant a trois baies cintrées et le dernier dispose d'un pignon à trois arcatures aveugles. Malgré ces ressemblances, la façade nord se distingue par la présence de bas-relief encastrés dans la partie basse du mur. Sur ces éléments sculptés sont figurés la visite de Dieu (sous formes d'anges) à Abraham et le sacrifice d'Isaac (Abraham est arrêté par un ange qui place un belier à la place de son fils). Le clocher à deux étages surmontant la croisée du transept fût refait en 1847 par Mallay. De plan octogonal, il est percé par un ensemble de baies jumelées séparées par de fines colonnettes.
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D'une très grande harmonie architecturale, le chevet de Saint-Austremoine est considéré comme l'un des plus beaux d'Auvergne. Ayant la forme d'une pyramide partant du sommet du clocher pour se terminer à la base des chapelles rayonnantes, il est le joyau de l'abbatiale. Constitué de quatres chapelles rayonnantes et d'une chapelle axiale à fond plat, celui-ci est surmonté d'une abside qui rejoint la croisée du transept. La décoration de l'ensemble est extrêmement riche et variée, que ce soit au niveau des chapelles que de l'abside. L'utilisation d'arkose blond, de lave noir de Volvic et de marbre blanc de Nonette donne une grande variété de couleurs au chevet. Les chapelles sont ceinturées par un cordon de billets et par une mosaïque polychrome. Des modillons à copeaux supportent la couverture du toit. L'abside est décorée par une bande de rosaces polychromes et par un jeu de petites arcatures aveugles. L'ensemble du chevet est sculpté de moyen-relief représentant le cycle complet du zodiaque. On retrouve également des éléments sculpés au niveau des chapiteaux surmontant les colonnes engagées des chapelles.
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Long de 65 mètres, la nef et le choeur sont étonnement colorés. Passé cet effet de surprise, on découvre que la nef a une voûte en berceau légèrement brisé et que les bas-côtés sont couverts d'une voûte d'arêtes et qu'ils sont séparés par des arcs doubleaux. Les sept travées de la nef s'élèvent sur deux étages formés de colonnes engagées sur lesquelles s'appuyent des arcs doubleaux. Au-dessus prend place la tribune en demi-berceau constituée de baies alternativement en plein cintre et trêflées. L'ensemble est éclairé par de grandes fenêtres placées au niveau des bas-côtés.
Surmonté d'une coupole sur trompe, la croisée du transept s'élève à plus de 23 mètres. Elle est soutenue par des arcs diaphragmes et elle est éclairée par de nombreuses fenêtres. Constitués de deux travées voûtées de façon différente (en demi-berceau pour la première et en berceau pour la seconde), les bras du transept sont terminés par des murs décorés par des fenêtres cintrées séparées par un arc en mître.
Le choeur est composé d'une travée droite surmontée d'une voûte en cul-de-four percée par des baies et soutenue par sept arcades terminées par des colonnes. Le déambulatoire est surmonté d'une voûte en berceau annulaire compartimenté. Il s'ouvre sur quatre chapelles rayonnantes de forme semi-circulaire et sur une chapelle axiale de plan rectangulaire.
La crypte, qui remonte à l'époque carolingienne, suit le plan d'ensemble du choeur. On retrouve une abside encadrée par cinq chapelles voûtés d'arêtes et séparées au niveau du déambulatoire par un ensemble de colonnes.
Plus de 180 chapiteaux ornent la nef, le transept et le choeur. Entièrement repeints au XIXème siècle, ils furent pour certains sculptés par un atelier Languedocien au XIIème siècle. Concentrés dans le choeur et dans le transept, ces chapiteaux sont en grande partie historiés. Ceux qui surmontent les colonnes du déambulatoire illustrent les derniers jours de la vie du Christ. On retrouve:
- La Céne avec les Christ et les douze apôtres installés autour d'une table.
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- La visite des Saintes Femmes au Tombeau (on voit les femmes apporter des arômates au tombeau qui à la forme d'une chapelle romane
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- Les apparitions du Christ à Marie-Madeleine (avec également l'apparition à Saint-Thomas et une représentation de la Jérusalmen Célèste)
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- La Flagellation et le Portement de Croix (on y voit le Christ impassible faisant face à la tristesse de la Vierge)
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Abordant des sujets plus variés (souvent d'inspiration Romaine ou paienne), ceux du transept représentent la Luxure, l'Annonciation, un porteur de mouton tirant la langue et un démon entrainant des damnés enchaînés.
Outre cet ensemble de chapiteaux sculptés, l'abbatiale possède dans sa crypte une chasse en émaux champlevés datant du XIIIème siècle. Réalisée par un atelier Limousin, celle-ci abrite les reliques de Saint-Austremoine. Les plaques qui la composent sont ornées de scènes de la vie du Christ (Sainte-Femme au Tombeau, Apparition du Christ à Marie-Madeleine).